Caritas, la résurrection

d'Lëtzebuerger Land vom 06.09.2024

Luc Frieden a pris la seule option de sauvetage viable : celle d’une « coupure avec le passé ». Comme on sépare une « good bank » d’une « bad bank », le gouvernement va donc créer une « good Caritas » à côté d’une « bad Caritas ». Une nouvelle entité sera créée d’ici octobre, a annoncé le Premier ministre ce mercredi à l’issue du conseil de gouvernement. Car pas question de rembourser avec l’argent public les trente millions d’euros de prêts contractés au nom de la Fondation Caritas auprès de la BCEE et de la BGL. « Nous n’allons pas payer des prêts qu’ils [la Caritas] contestent par ailleurs », a déclaré Frieden. Face à la fraude (qu’il désigne comme « schrecklech »), face surtout à son ampleur, le Premier avoue ne toujours pas vraiment comprendre. La nouvelle Caritas sera étroitement contrôlée par l’État, Frieden annonçant une toute nouvelle gouvernance, un tout nouveau management et un CA renouvelé. On peut donc douter de l’autonomie politique de cette future entité. Le plaidoyer social, qu’assurait l’ancienne Caritas, risquera donc de se retrouver réduit au strict minimum.

Reste une question, cruciale : Qui pour porter sur les fonts baptismaux cette nouvelle Caritas ? C’est de manière très générique que Luc Frieden a évoqué « des fondations ». Presque cent ans après la création des Œuvres de charité, l’archevêché de Luxembourg sera-t-il prêt à s’y relancer ? De la réponse à cette question dépendra si la nouvelle structure pourra intégrer le réseau Caritas Internationalis, voire simplement porter le nom Caritas. Ce jeudi, le service presse de l’archevêché indiquait seulement : « À ce stade des réflexions, tellement de questions restent ouvertes que nous ne pouvons pas communiquer à ce sujet. » Pour l’Église luxembourgeoise, il s’agit de trancher une question fondamentale : Compte-t-elle se replier sur son « noyau dur » (et préserver sa pureté doctrinaire) ou continuer à jouer un rôle paraétatique (au risque de se salir les mains) ? Craignant peut-être pour son statut éphémère de papabile, le cardinal s’était muré dans le silence durant quatre semaines, pour exprimer finalement sa « profonde indignation » quelques jours avant le Ferragosto. Depuis, plus rien n’a filtré du palais épiscopal.

Bernard Thomas
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