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Le premier rang du Group Forum BEI mercredi
Foto: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land vom 09.02.2024

La Banque européenne d’investissement (BEI) pèse de plus en plus lourd. Par le volume de ses investissements au service des politiques de l’UE (autour de 45 milliards d’euros par an en 2005 contre 88 milliards l’année dernière), le nombre de ses salariés (mille en 2000 contre 3 500 aujourd’hui) ou le profil de sa présidente. En janvier, Nadia Calvino, 55 ans, a quitté la deuxième marche du gouvernement (de centre-gauche) espagnol pour rallier le Kirchberg. Celle qui a failli devenir présidente de l’eurogroupe en 2020 (face à Pierre Gramegna et Pascal Donohoe, finalement élu) était même en concurrence en décembre avec la vice-présidente de la Commission européenne, Margrethe Vestager, pour prendre la tête de la BEI. Preuve que la banque de l’UE en jette. La BEI travaille également depuis une poignée d’années sur sa visibilité. Elle a ressuscité l’an passé son EIB Group Forum à Luxembourg. La présence cette semaine d’une quarantaine de journalistes, principalement étrangers, atteste de l’intérêt croissant qu’elle suscite. Son casting aussi.

Mercredi, les têtes d’affiche ont introduit l’événement éclairant les enjeux économiques contemporains. L’occasion d’entendre pour la première fois Nadia Calvino sur sa nouvelle terre d’adoption, « quatre semaines après sa prise de fonction ». Celle qui a aussi travaillé à la Commission à Bruxelles a souligné comment la BEI matérialisait les ambitions européennes, que ce soit en termes de lutte contre le réchauffement climatique (cinquante pour cent des projets y sont liés) ou d’égalité des genres : « We make things happen », a-t-elle argué dans un slogan qui nous est familier. La présidente de la BEI a, comme les autres intervenants après elle, attiré l’attention sur les nombreuses élections en vue. « Quatre milliards de personnes sont appelées aux urnes cette année ». Notamment en Union européenne (en juin). Voilà pourquoi le Forum devait entre autres faire valoir ce que « l’Europe fait pour nous ».

Luc Frieden s’est engagé dans le même sillon, mais en des termes plus « Wandel durch Handel ». Cette année, il faudrait montrer aux électeurs du Vieux Continent, « where the added value of Europe is ». Discourant (encore une fois) sans note, le Premier ministre a rappelé en écho à Nadia Calvino qu’il leur restait « beaucoup à apprendre » après seulement pour ce qui le concerne « neuf semaines » en fonction. Une humilité feinte une nouvelle fois quand Luc Frieden a souhaité une Europe « more business friendly », synonyme de dérégulation (« alléger le fardeau bureaucratique qui pèse sur les entreprises ») : « J’ai siégé moi-même, comme toi Nadia, au conseil des ministres des Finances et après je suis devenu président d’une banque systémique. Je n’aurais jamais pu imaginer que les régulations que nous avions adoptées conduiraient à un tel fardeau. » L’objectif politique peut être le bon, mais ce serait souvent une question de mise en œuvre. « C’est vrai dans la banque, c’est vrai pour les PME, c’est vrai pour les agriculteurs », a résumé Luc Frieden. Rebondissant sur la thématique du Forum, « European competitiveness in a polarized global context », le chef du gouvernement luxembourgeois a prévenu contre toute polarisation, synonyme d’opposition. La Chine peut être à la fois un concurrent, un partenaire et un rival. « Il faut continuer à bâtir des ponts. Je vais le faire à la tête du gouvernement luxembourgeois, mais aussi avec mes collègues de l’Union européenne ». Enfin, le Premier ministre a affiché le soutien du gouvernement luxembourgeois à la BEI dans un effort commun, avec le privé, pour « faire beaucoup plus » en matière d’investissement.

Dans les minutes qui ont suivi, le président du conseil européen (sur le départ), Charles Michel, a insisté sur le risque de guerre et la nécessité d’investir davantage au niveau européen dans la défense (bien loin du monde vert et égalitaire vendu par Nadia Calvino). Pareil pour Pierre Gramegna. Le directeur général du Mécanisme européen de stabilité, dans son rôle de prévention des crises financières, voit le risque de guerre comme « l’épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, le risque le plus important ». C’est chaud.

Pierre Sorlut
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