Une semaine intense de négociations s’achève pour le partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (TTIP). Ont été au menu pour le négociateur en chef américain Dan Mullaney et son homologue européen Ignacio Garcia Bercero, les problématiques de convergence réglementaire et de création d’une instance de coopération réglementaire. L’épineuse question des tribunaux d’arbitrage n’a donc pas été placée au centre de ce huitiéme round.
« Concentrons-nous sur ce qui sert notre économie et élimine les coûts », plaide l’eurodéputée conservatrice luxembourgeoise Viviane Reding. « La convergence réglementaire est indispensable parce que l’absence de normes communes coûte énormément d’argent à nos entreprises », estime l’ancienne vice-présidente de la Commission européenne en invoquant l’exemple du secteur automobile soumis à des normes différentes en matière de crash-test ou de ceintures de sécurité. « Cela rend certains produits vingt pour cent plus chers et impacte fortement les entreprises, notamment les équipementiers luxembourgeois », poursuit-elle.
L’organe de coopération réglementaire, en revanche, ne trouve pas grâce à ses yeux. « Cela risque d’envenimer la discussion. Pourquoi en mettre trop dans la barque et créer des oppositions avec des choses pas indispensables ? », s’interroge la députée européenne. L’objectif de cette instance serait de rendre les normes européennes et américaines compatibles entre elles avant leur adoption. Des spécialistes estiment que cet organe pourrait améliorer l’efficacité des échanges et augmenter le PIB. Mais compte tenu de la complexité actuelle de l’élaboration de la législation européenne, de nombreux acteurs redoutent néanmoins que cela rende la tâche très difficile au législateur et amoindrisse le rôle des organisations sociétales. C’est le cas des 150 organisations représentant la société civile signataires d’un argumentaire anti-TTIP relayé par l’Observatoire de l’Europe industrielle.
Si les milieux économiques soutiennent dans l’ensemble les négociations, les citoyens européens, eux, ne manquent pas de marquer leur opposition et le huitième round des négociations a ravivé le débat. Du côté politique d’abord. Le conseil communal de Liège, en Belgique, a voté une résolution déclarant la ville « hors TTIP », tandis que le nouveau gouvernement Syriza à Athène a affiché son intention de faire échouer l’accord lorsqu’il serait soumis au Conseil et que le Sénat français a, de son côté, lancé mercredi un avertissement sur le déficit de transparence et la mise en place de tribunaux d’arbitrage. Plusieurs ONG se sont également mobilisées contre le « traité anti-démocratique » devant le siège de la Commission.
Cet engouement n’est pas nouveau. Le TTIP dominait déjà la campagne lors des élections européennes dans plusieurs États membres comme l’Allemagne, la France ou le Luxembourg. Treize organisations luxembourgeoises, dont l’Union luxembourgeoise des consommateurs, avaient alors pris une position commune faisant part de leurs interrogations vis-à-vis du traité dont ils soulignaient « le déficit démocratique », « une pression accrue sur les normes environnementales et protectrices du consommateur » ou encore « une pression sur les rémunérations et l’emploi ». Une initiative citoyenne européenne a également été présentée et refusée par la Commission européenne.
Catalyseur d’oppositions, le TTIP est un accord commercial d’un genre nouveau. Il ne s’agit plus uniquement de baisser les barrières douanières mais également d’harmoniser les normes. « Les normes touchent à des questions culturelles », analyse un observateur proche de la Commission européenne. « Cela peut être mis en parallèle avec les interrogations des européens sur leur mode de vie, leur identité, etc. Si l’opinion publique européenne est méfiante, le bon côté des choses, c’est que l’opinion publique européenne existe », poursuit-il. « Les citoyens européens se méfient de Bruxelles, comme ils se méfient de tous les politiques. Cela a peut-être occulté le début de la formation d’une opinion publique, de l’identification des citoyens à un ensemble européen fait de modes de vie, de normes et de valeurs communes » ajoute la source bruxelloise. Reste qu’avec des citoyens vent debout contre le partenariat, un calendrier qui prend du retard et des élections présidentielles américaines qui se profilent, l’entrée en vigueur du traité n’est pas pour demain.