Au TOL, Théâtre ouvert Luxembourg, se joue actuellement Voltaire's folies de Jean-François Prévand, mis en scène par Claude Frisoni, un collage de textes du Traité sur la tolérance écrit en 1763 par François Marie Arouet, dit Voltaire. Il tentait à cette époque d'«écraser l'infâme» en dénonçant le fanatisme clérical et l'insuffisance de la justice. La publication de ce traité était un apostolat pour le triomphe de la Raison. Cette réhabilitation de la pensée constructive trouve un écho dans les tentatives de critiques acerbes des fanatismes récents.
Le décor est simple, de petits mausolées bricolés à l'effigie des quatre prophètes des principales religions monothéistes: Jésus, Mahomet, Jéhovah et Bouddha dessinés par Gotlib pour L'écho des savanes. Les changements de scènes se font cachés par un écran sur lequel sont projetées des images de guerres, de massacres, de «purifications ethniques» mélangées à des représentations de mythes religieux ou d'inquisitions, toutes autour d'un seul leitmotiv: le fanatisme.
Ces rencontres forcées entre un insurgé de la monarchie, un auteur contemporain, un metteur en scène luxembourgeois et la critique humoristique infligent au spectacle un lourd postulat que seul une mise en scène très développée et un théâtre très maîtrisé peuvent soutenir.
Or la mise en scène un peu pastiche, les costumes en feutres et trompes l'oeil laissent la pièce dans un premier temps dans le domaine du comique troupier, résultat final d'un atelier théâtre. Les acteurs assument des situations de mise en scène invraisemblables, sans emporter l'adhésion. La pièce composée de dix saynètes inspirées des formules proposées par Voltaire: pamphlets réalistes et acides relatant les discussions des représentants des dieux réclamant le pouvoir et promettant leur règne par l'usage de la force et l'entretien de l'ignorance. Ou encore contes absurdes mais philosophiques présentant deux gallinacés, un coq devenu chapon comme un castrat et une poulette poularde, réfléchissant sur la condition du plus faible toujours assassiné pour nourrir le plus fort et la discussion entre une jeune fille et un serpent sur l'humanité.
L'invitation à confronter la philosophie du passé aux erreurs d'aujourd'hui ne dépasse pas durant ces huit premiers sketchs, l'intérêt que l'on pourra toujours porter aux textes de Voltaire. Pourtant il ne suffit pas de convoquer les vieilles sagesses conscientes des cycles répétitifs de l'histoire et de ses égarements, il faut se positionner à son tour pour réhabiliter la raison. Il n'est donc pas possible de mêler l'humour à tirettes et le langage poussiéreux du vers dit comme du Racine avec ces confrontations.
Mais finalement dans les deux dernières scènes Colette Kieffer, Jaques Paquer, Nobert Rutili et Charles Suberville font preuve d'une plus délicate retenue pour offrir un moment plus dense. Tout d'abord dans un salon de maître lors d'un dîner fast-food, une femme explique à un curé fanatique le pourquoi et le comment de la réussite de la bible auprès de tous les peuples à vocation judéo-chrétienne (en encore en partie): la bible n'a jamais été lue ou très rarement, surtout en ce qui concerne les représentants politiques.
Colette Kieffer qui, jusqu'alors, ne s'était montrée que très discrète revêt la personnalité d'une femme d'époque engagée et le neuvième sketch de la pièce devient émouvant, elle aide à enterrer à l'aide du texte voltairien toute une partie de la stupidité et intolérance humaine et couronne cette position en transmettant à un personnage tiers le bonnet phrygien, bonnet d'origine, adopté par la Révolution française sous le nom de bonnet rouge.
Dixième et dernier sketch, sur une musique carnavalesque, un coq rabelaisien prie le véritable dieu (car il existe, selon eux) afin qu'il réunifie ou unifie les frères humains, afin que l'ignorance stupide et que l'intolérance et les gouvernants superstitieux disparaissent une fois pour toutes. Pièce intéressante et somme toute réussissant à dénoncer certains faits graves touchant à l'histoire humaine.
Voltaire's Folies de Jean-François Prévand, mis en scène par Claude Frisoni se joue encore ce soir 25 et demain 26 octobre, ainsi que les 29 et 30 octobre et les 7, 8, et 9 novembre 2002 à 20.30 heures au TOL, 143, route de Thionville, L-2015 Luxembourg. Pour réserver et pour un complément d'information, téléphone 49 31 66.