Les vacances

Vacances scatologiques

d'Lëtzebuerger Land vom 16.05.2002

Au Luxembourg, le théâtre est une affaire de famille(s). De plus en plus, d'ailleurs. Après la famille Olinger (Capucins), la famille Frisoni (TOL) et la famille Junker (Centaure), voici la famille Noesen (Esch, actuellement en coproduction avec le Centaure). Philippe Noesen, le directeur du théâtre d'Esch met en scène et joue dans «…une soirée cocasse, affectueuse et féroce» (affichette) avec trois pièces courtes de Jean-Claude Grumberg ; Itoko Kagawa, sa femme dans la vie, l'assiste et joue aussi… sa femme! dans Michu, une pochade qui ouvre la soirée. 

Jean-Claude Grumberg, l'auteur de L'Atelier, considéré comme son chef d'oeuvre, mais aussi d'Amorphe d'Ottenbourg, qui avait été monté au Luxembourg il y a une quinzaine d'années, fils d'une famille juive roumaine émigrée en France en 1939, père déporté, accuse tous les racismes et tous les sectarismes. Michu esquisse en quelques traits, quelques phrases, la stigmatisation arbitraire de la société en groupes ethniques ou religieux. Un jour, Michu traite son ami de pédéraste, communiste, juif, franc-maçon… et peu à peu, la femme de l'ami se distancie aussi de «son chat». Car, on ne sait jamais: pas de fumée sans feu. 

À qui perd gagne, la deuxième saynète de la soirée, est un persiflage à peine exagéré des jeux télévisés de plus en plus cruels et voyeurs: le jeu, qui est présenté en direct «du centre de ramassage des SDF de Nanterre» est un «concours du malheur féminin»: entre deux femmes - les deux s'appellent Catherine (Mady Durrer et Marie-Anne Lorgé) - qui ont la poisse, le public doit voter pour celle qu'il estime la plus malheureuse des deux. Pierre Rauchs y campe un présentateur répugnant et hypocrite, chasseur d'audimat avec le malheur des autres, pour le soutenir, un intellectuel sans nom, appelé «l'auteur» (poilant Jean-François Wolff), qui nous rappelle bien sûr ces «brochettes de spécialistes» que les plateaux de télévision nous servent à longueur de soirée et qui pratiquent la langue de bois sur tout et n'importe quoi. Or, hormis le fait que Grumberg fut bien en avance avec sa pièce, ce thème est tellement rabâché à l'ère de Big Brother qu'elle n'apporte rien de vraiment nouveau au débat. 

Puis arrive le «plat de résistance» de la soirée: Les vacances, parodie triviale dénonçant la «beauferie» des touristes - en l'occurrence français - en vacances à l'étranger. Et comme on aime manger au théâtre à Luxembourg, la scène se passe donc dans un restaurant grec. Une famille française - père hystérique (Philippe Noesen), mère bornée et hypocondriaque (excellente Marie-Anne Lorgé), deux fils, l'aîné hippie (Jean-François Wolff), le cadet impertinent et désinvolte (Pierre Rauchs) - veulent y casser la croûte mais se méfient de la qualité de la restauration, de l'hygiène, de tout. Le père est obsédé par l'idée de se faire arnaquer et toute la petite famille s'adonne à coeur joie au racisme le plus primitif.

S'il est vrai que certaines observations peuvent être justes, le problème de la pièce est qu'elle est triviale, voire vulgaire, que parler de la qualité et de la consistance des selles en vacances - constante peur d'attraper une diarrhée au moindre repas - ou de l'hygiène des waters, ça va un peu, mais le langage scatologique lasse extrêmement vite. Alors, Philippe Noesen passe son temps à crier pour incarner un père colérique et inculte qui méprise tout le monde, même sa petite famille. Le tout ne dépasse guère le niveau des Bidochon ou des Dëckkäpp et autres soirées de cabaret bien de chez nous. C'est à se demander comment le directeur du théâtre d'Esch peut, après cela, encore vouloir virer la troupe du Escher Liewesfrou de sa maison… Car la troupe de théâtre amateur a tenté, de plus en plus ces dernières années, d'avancer vers un répertoire théâtral plus sérieux.

 

Les vacances de Jean-Claude Grumberg, mise en scène par Philippe Noesen, assisté d'Itoko Kagawa, décor : Jeanny Kratochwil, lumière: Véronique Claudel, décor sonore: Jacques Herbet; avec: Mady Durrer, Oscar Garcia-Martin, Itoko Kagawa, Marie-Anne Lorgé, Philippe Noesen, Pierre Rauchs et Jean-François Wolff est une coproduction du Théâtre d'Esch avec le théâtre du Centaure. La pièce sera encore jouée les11, 12 et 13 juin à Esch ; réservations par téléphone au numéro 54 09 16.

 

 

 

 

 

 

josée hansen
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