Confrontée au vide intérieur

d'Lëtzebuerger Land vom 20.06.2025

Le seul-en-scène ou monodrame permet de centrer l’attention sur un artiste, un comédien, d’entrer dans son jeu ; quand il est accompagné d’un musicien, un dialogue est créé sur scène, sans dévier l’attention du personnage principal. Pour Requiem for a Clown Antoine Colla, multiplie les rôles : Il est l’auteur mais aussi le metteur en scène et le créateur des lumières. Il s’est entouré d’une équipe : la danseuse et comédienne Rhiannon Morgan, en dialogue avec Servane lo Le Moller pour la création sonore, Sophie Van den Keybus pour la scénographie et les costumes.

La pièce plonge le public dans la thématique de l’exploration du vide intérieur. Quand notre vécu, notre personnalité s’évanouit, quand notre clown intérieur s’efface, sur quoi peut-on se baser, à quoi s’attacher ? Reste la peur, mais aussi le combat, pour meubler le vide. Retrouver des attaches, renouer avec ce clown qui se cache quelque part et manifeste, discrètement, sa présence.

Le sujet nous est familier mais nous voulons fuir cet état inquiétant qui nous taraude et nous fait tourner en rond, ce que la scénographe illustre par une sorte de carrousel vide, que la comédienne remet régulièrement en marche, s’accrochant à un pilier, ou elle poursuit sa course tout autour, parfois le visage ravagé, le regard égaré. Elle se love même par moments à l’intérieur du carrousel et replonge en pensées dans l’univers recréé de l’enfance, dans ses mains l’accordéon que son père lui a offert. « Où est l’enfant en moi qui s’émerveillait de tout ? » Régulièrement elle doit se gaver de barbe-à-papa, qui lui rappelle son enfance avec ses parents, ses peluches ; un monde rassurant, bardé de certitudes.

Plus tard elle se perd dans le dédale de ce qu’il faut démêler. Même ses peluches ne lui apportent plus la sécurité. C’est la première expérience du vide, elle fait un dernier appel à son clown intérieur. Sur scène évolue la femme qui se souvient de son enfance, qui la revit et celle qui maintenant est confrontée au néant, à un vide ravageur, destructeur.

Rhiannon Morgan, au maquillage marquant, mène à travers le vécu du petit clown, mêlant danse et paroles (des mots parfois peu compréhensibles) à un rythme enlevé, toujours en mouvement avec, parfois, un silence significatif, des moments attachants, baignant dans une chaude lumière. Souvent la danse, accompagnée de la musique complice, donnent l’impression de deux « voix » d’une même histoire. Antoine Colla crée, dans sa mise en scène bien rythmée, certaines belles images attachantes. Un regard extérieur sur ce travail aurait sans doute pu conférer une dimension différente au texte et l’enrichir.

Requiem for a Clown d’Antoine Colla, avec toute l’équipe de jeunes talents à l’œuvre, suscite un vif intérêt pour le spectateur et donne envie de découvrir leurs créations futures.

Josée Zeimes
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