L’annonce de la décision de l’Ukraine de ne pas signer l’accord d’association et de libre-échange que lui proposait l’Union européenne (UE) a jeté un froid polaire sur le sommet des chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Huit et ceux de six anciennes républiques soviétiques : Ukraine, Moldavie, Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie et Biélorussie réunis à Vilnius jeudi 28 et vendredi 29 novembre. C’est une grosse déception pour l’UE qui voit s’effondrer à la dernière minute quatre années de dures négociations malgré quelques signatures d’accords. Mais c’est surtout une victoire pour la Russie qui témoigne ainsi de son influence persistante sur « ses » anciennes républiques. Néanmoins, le gouvernement ukrainien a pris un gros risque politique car le mouvement de contestation populaire suite à ce revirement ne faiblit pas et il a échappé de justesse à une motion de défiance le 3 décembre.
Le partenariat oriental correspond à un cadre d’association que l’UE élabore depuis 2009 pour faciliter les échanges économiques et la circulation en Europe des ressortissants de ces six pays qui font géographiquement partie de l’Europe. Le troisième sommet de ce partenariat devait avoir comme point d’orgue la signature d’un accord formel avec l’Ukraine, le pays le plus peuplé de ces six États partenaires de l’UE (près de cinquante millions d’habitants) et celui avec lequel l’Europe a les plus d’échanges commerciaux (exportations et importations) parmi cet ensemble de pays.
Or le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a déclaré le 21 novembre vouloir suspendre l’accord arguant des menaces de rupture commerciale de la part de Moscou, la demande de remboursement immédiat de la dette énergétique ukrainienne ainsi que la pression diplomatique de Vladimir Poutine. Le conseiller économique du Kremlin, Sergueï Glaziev, avait fait miroiter la semaine précédente une coopération économique se chiffrant en « dizaines de milliards de dollars » si Kiev renonçait à s’associer à l’UE et a menacé de renoncer aux importations de produits ukrainiens dans le cas contraire.
M. Ianoukovitch aurait tout de même tenté de négocier avant et durant le sommet des délais plus longs sur l’avancement du processus démocratique entre autres exigé par l’UE de préférence après les élections présidentielles de 2015. Il s’est heurté à un refus des Européens. Les présidents de la Commission José Manuel Barroso et du Conseil européen Herman Van Rompuy « désapprouvent vivement la position et les actions russes », en particulier la « pression externe » de Moscou. « Les mesures prises par la Russie vis-à-vis des partenaires de l’Est sont incompatibles avec la manière dont les relations internationales devraient fonctionner sur notre continent au XXIe siècle », a déclaré M. Van Rompuy. « Toute action de la Russie visant à influencer les choix souverains des pays d’Europe orientale seraient contraires au principe d’Helsinki », a-t-il ajouté. Néanmoins l’offre « reste sur la table » ont précisé en substance les dirigeants européens qui un peu pour faire bonne figure et qui se sont focalisés sur le paraphe par la Géorgie et la Moldavie de leurs accords d’association.
C’est une « une étape importante dans l’avancement de notre effort commun », a encore souligné M. Van Rompuy. L’UE a également signé un accord de facilitation des visas avec l’Azerbaïdjan, un accord-cadre pour la participation à des opérations de gestion de crise menées par l’UE avec la Géorgie et le Bélarus s’est dit prêt à entamer des négociations sur un accord de facilitation des visas. En revanche peu d’espoir d’amélioration des relations avec l’Arménie qui a décidé aussi de ne pas parapher son accord d’association avec l’UE, pour participer à l’Union douanière qu’instaure la Russie. Une déclaration conjointe de la Haute Représentante de l’UE Catherine Ashton et du ministre des Affaires étrangères Edouard Nalbandian a souligné en conséquence « l’importance de revoir la base des relations de voisinage oriental de l’UE-Arménie ».
Dans leur déclaration commune avec l’UE, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie et la Moldavie notent encore « le soutien public sans précédent pour une association politique et l’intégration économique de l’Ukraine avec l’UE ».
Une réaction populaire qui exprime essentiellement un sentiment de trahison né de cette volte face du pouvoir en place et de colère face aux violences policières contre des manifestants pro-européens samedi à Kiev qui avaient fait des dizaines de blessés, notamment plusieurs journalistes. « Honte! », criait la foule rassemblée devant la Rada (parlement) et qui, depuis lundi, bloque le siège du gouvernement. Les manifestants soutenaient la motion de défiance proposée par trois groupes d’opposition contre le gouvernement de Mykola Azarov, le premier ministre qui a évoqué « un véritable coup d’Etat ». Mais seuls 186 députés ont soutenu le texte mardi alors qu'une majorité de 226 voix était requise, 135 élus du Parti des régions, au pouvoir, n'ont pas pris part au vote. Une motion de défiance ne pouvant être soumise au Parlement qu'une fois par session, une éventuelle nouvelle censure ne pourra intervenir avant février.
Dans l’intervalle, le Président ukrainien continue son « double jeu », il doit signer en fin de semaine à Moscou une « feuille de route de coopération » avec son homologue russe et envoie une délégation à Bruxelles cette semaine pour parler coopération économique.