Mies Van Der Rohe, né à Aix-la-Chapelle en 1886, mort à Chicago en 1969. Ce nom évoque un des géants de l’architecture du XXe siècle. Son œuvre iconique – si on doit en citer une parmi ce qu’il faut bien appeler un catalogue de manifestes construits de l’architecture moderne qui firent école aussi bien de ce côté-ci de l’Atlantique qu’aux États-Unis durant la première moitié du XXe siècle et via son écho bien au-delà – est le Pavillon de l’Allemagne à l’Exposition universelle de Barcelone érigé en 1929. Une épure d’architecture : poteaux métalliques cruciformes, cloisons en matériaux luxueux comme le marbre, le travertin, l’onyx, mais dans une mise en œuvre simplissime, le tout représentant une démonstration magistrale sur le plan libre et dans un jeu subtil des limites entre l’intérieur et l’extérieur par de larges baies vitrées.
Toit plat évidemment, pour cette œuvre d’exception par celui qui fut le dernier directeur du Bauhaus avant sa fermeture par les nazis. Cette œuvre absolue fut démolie l’année suivante, reconstruite et ré-inaugurée en 1988, date de la création du Prix Mies Van Der Rohe par la fondation du même nom de Barcelone et l’Union Européenne, prix qui couronne depuis, tous les deux ans, une architecture remarquable et une première œuvre prometteuse. Presqu’un siècle donc après l’édification d’un des sommets conceptuels de l’architecture moderne, on pourra se faire une idée des projets couronnés en 2013 mais aussi des lauréats et de tous les projets sélectionnés depuis les 25 ans que le prix existe – soit de ce que l’architecture contemporaine européenne a de meilleur.
L’exposition, hommage à Mies oblige, est présentée sur des meubles en métal patiné. Des cimaises pour les projets sélectionnés par les Ordres des architectes des différents pays européens et choisis par des experts en la matière et des tables pour les maquettes. Le tout est complété par des interviews vidéo des lauréats sur un savoir-faire qui encore, malheureusement à l’insu de beaucoup de gens, gouverne notre vie dans tous ses détails, maisons privées, bâtiments publics et de plus en plus, espace extérieur, surtout en centre ville.
Le prix 2013 va donc au Harpa Reykjavik Concert Hall and Conference Center, dans la capitale islandaise, par le cabinet d’architectes Henning Larsson, associé à l’artiste Olafur Eliasson (dont on signalera par ailleurs une installation permanente merveilleuse à l’étage inférieur de la Fondation Louis Vuitton par Frank Gehry à Paris). Merveilleux, tel est le maître mot retenu par le jury, qui a salué ce bâtiment, lequel en quelque sorte donne corps au patrimoine des mythes et légendes de ce pays tout au Nord de l’espace européen via sa forme simple aux mille facettes poétiques. Le prix de la première œuvre – encore un bâtiment dédié à la musique, décidément expression par excellence via toutes ses formes de la société d’aujourd’hui – va à la réhabilitation d’un ancien entrepôt pour la Red Bull Academy par les architectes Langarita-Navarro, à Madrid, tout au Sud cette fois de l’espace européen.
Nomadisme et espace précaire magnifié – en ce qui concerne cette architecture –, mais aussi réinterprétation formelle historique (le nouveau marché gantois par Robbrechts et Dahm) et magnificence de l’espace public (le parasol urbain de J. Mayer à Séville ou le parc de jeu de Big à Copenhague), tels sont les lauréats et les catégories de la fournée la plus récente du prix.
On notera, en visitant l’exposition à la Fondation de l’Architecture, un glissement, au cours des 25 ans d’existence du Prix Mies Van Der Rohe, de l’architecture objet et hyper-technologisée (la gare de Waterloo Station à Londres de Nicholas Grimshaw, 1994) vers une architecture-paysage (le Norvegian Opera & Ballet de Snohetta à Oslo, 2009). Qui s’en plaindrait ? On aimerait tellement que les acteurs locaux s’en inspirent sans tarder…