L'auteur Ad de Bont est Néerlandais. Pédagogue avant d'approcher l'écriture. Après avoir été instituteur, il entreprend une formation d'enseignant dramatique et finalement, il fréquente une école d'acteurs.
« Je suis né, dit-il au cours d'un entretien, dans une très jolie partie de Hollande - une région ancienne, dans le sud du pays - mais quand j'avais cinq ans, mes parents ont déménagé vers une région toute nouvelle, les Polders. Je devais laisser derrière moi toute une vie riche en traditions et en histoires, pour découvrir un nouveau paysage qui n'en avait aucune, les arbres avaient à peine cinq ans. Pour moi, c'était un pays vide. Je crois que mon intérêt pour la culture est dû en partie au déménagement de mes parents. »
C'est vers la fin des années 1970 qu'il travaille pour une compagnie de théâtre, après avoir publié, jeune, des poèmes, des articles, des chansons. Ces fameuses années 70, où les compagnies présentaient surtout des pièces sur des adultes qui opprimaient les enfants et sur des enfants qui se disputaient avec leurs pères et leurs familles, une sorte de théâtre social très déprimant. Tantôt ces pièces étaient improvisées, tantôt rédigées. Quand Ad de Bont a commencé à écrire, il voulait des histoires plus amples, dans un contexte plus large. Ainsi, sa première pièce, écrite avec un collègue metteur en scène, a été une adaptation d'un roman Alan and Naomi, l'histoire d'un garçon juif qui vit seul à New York.
Sa deuxième pièce a été La vie extraordinaire de Hilletje Jans traitant d'une jeune fille qui vivait au XVIIIe siècle en Hollande. Sa vie était plutôt misérable et un jour elle décida de devenir un homme. Cette pièce était basée sur une étude de 80 femmes vivant à cette période et qui « devinrent » des hommes dans le but de faire son chemin dans la vie.
« Quand j'ai commencé à jouer dans les écoles, j'avais l'impression d'entrer dans un vrai monde plein de vibrations : des gens y vivaient ensemble, y travaillaient à leur vie et réfléchissaient sur l'avenir de notre monde. De plus, on n'y est lié à aucune tradition. Tout est possible, en tant qu'artiste, on peut employer la classe, le gymnase ou le réfectoire d'une façon toute nouvelle. C'est tellement plus excitant d'explorer un espace, comme par exemple, un gymnase : on peut s'asseoir de quatre côtés, ou le long d'un seul mur...
Comment vous est venue l'idée d'écrire une pièce comme Mirad ?
En 1989, le Mur tomba à Berlin, et puis on a vu, avec la chute du communisme, des bouleversements invraisemblables en Russie, en Roumanie, en Chine, même. Et curieusement, pendant deux ou trois ans, rien ne changea en Hollande. Le monde avait changé autour de nous, mais on fermait les volets et on a continué à faire ce qu'on a toujours fait.
Je me souviens que six mois après la chute du rideau de fer, on a présenté une de mes pièces La ballade de Garuma à Berlin-Est. La pièce raconte l'histoire d'un garçon en Amérique du sud. Il mène une vie horrible, reniflant de la colle etc.. et puis, il devient une vedette de football, une sorte de Maradona ou Pelé. C'est une pièce très émotionnelle, avec beaucoup de musique, une vraie célébration de la liberté. En Hollande, on a reçu un prix pour cette production, mais c'est à Berlin-Est qu'on a senti ce que ce thème signifiait au regard d'un public qui avait terriblement souffert sous le communisme, et qui vivait maintenant dans l'espoir d'un changement. C'était une sensation vraiment électrisante.
En 1993, une de mes collaboratrices s'est adressée à l'organisation des réfugiés d'Amnesty International, elle est revenue avec un énorme paquet d'articles et de dossiers que j'ai lus en trois, quatre semaines. J'avais dans l'idée d'en faire une pièce très simple, et mon idée de départ était de raconter l'histoire de deux personnes qui essayaient de retrouver un garçon disparu en temps de guerre.
J'ai d'abord pensé à Mirad parce que les garçons s'enfuient plus facilement que les filles. Dans deux, trois ans, il sera un homme et pourra devenir un guerrier, tant de parents envoient leurs fils loin de la maison en temps de guerre. »
Ad de Bont en écrivant la première partie, n'en imaginait pas une deuxième. Aussi quand il arriva en janvier 1994 à Oxford, Jeremy Irons interprétait Oncle Djuka au Grand Théâtre, il s'est rendu compte que sa pièce passait aussi bien dans les classes des enfants qu'auprès d'un public averti. En rentrant chez lui, il a eu envie d'approfondir la relation mère-fils.
« J'aime à construire mes pièces dans un ordre non chronologique. Garuma par exemple, contient une série de flash-back et de flash-forward. Mirad est construit de la même façon - une structure plutôt complexe, mais qui paraît simple sur scène.
Un jeune public est-il prêt pour de telles scènes ?
Je crois que l'éducation doit préparer les enfants à la vraie vie, et je crois que, au cours des cinquante dernières années, les enfants, en Europe occidentale, ont bien trop souvent été préparés à une sorte de pays de jeunes dont les adultes pensent qu'il est réel. Et il ne l'est pas. Des choses horribles ont lieu - une fille peut être violée, même si elle vit dans un village et qu'elle n'a que onze ans. S'il y a la guerre, elle sait qu'elle risque d'être violée - et s'estimera heureuse d'y avoir échappé. En temps de guerre, personne ne dira, 'je ne vais pas tuer ton père, parce que tu es trop jeune.'
Les enfants qui ont vu Mirad viennent me dire qu'ils ont compris, comment en temps de guerre, les gens peuvent agir de façon monstrueuse. Mirad est à la fois du théâtre et de la réalité.»
Mirad, un garçon de Bosnie de Ad de Bont, mise en scène par Stéphanie Loïk, production : Théâtre populaire de Lorraine, avec : Claudia Calvier-Primus, Mohamet Mouaffik et Igor Oberg, le 13 février à 18h30 (en présence de Stéphanie Loïk) et le 14 février à 14h30 et à 20 heures au Théâtre du Centaure / Am Dierfgen ; téléphone pour réservations : 22 28 28.