La planification de la ville de Luxembourg et le réaménagement de certains quartiers sont des thèmes susceptibles de lancer des débats profonds et animés, non seulement du côté du législateur et des administrations, mais aussi auprès des habitants de la ville, voire du grand-duché. C’est ainsi non sans arrière-pensée que le Carré Rotondes consacre peu avant les élections communales sa nouvelle exposition aux maquettes et plans de projets anciens (réalisés ou abandonnés) et d’actualité ayant pour objectif de transformer la capitale en « ville modèle ».
Si l’idée de l’exposition Luxembourg Planning – Esquisses pour une ville modèle revient à Claude Wiseler, ninistre du Développement durable et des Infrastructures, ce sont Steph Meyers et Robert Garcia qui en ont pris le rôle de curateurs. Alice Haddad est responsable de l’exécution. Environ 60 maquettes et plans de projets datant la plupart d’entre 1940 et aujourd’hui, issus notamment de concours d’architecture, montrent l’ambition de la capitale à vouloir s’adapter à l’évolution rapide de la société occidentale au cours du dernier siècle. On retrouve ainsi deux plans non réalisés pour un Musée national, envisagés dans un style néo-renaissance, l’un au Plateau Bourbon dessiné par Carl Seidl en 1899, l’autre au Plateau Altmünster réalisé par Jean-Pierre König et Auguste van Werveke en 1919. Parmi les différents scénarios figurent aussi une maquette de 1942 pour un énorme « Nouveau Théâtre » et un plan urbanistique du Kirchberg, tous deux conçus sous l’occupation allemande et selon l’idéologie nazie, mais abandonnés ensuite.
Concernant les contributions les plus innovatrices, on peut surtout retenir deux planches du bureau Tatiana Fabeck Architecte avec des illustrations pour l’aménagement du Limpertsberg selon le thème « vivre sans voiture », un projet pilote qui s’inscrit dans le cadre du développement durable, ainsi que deux planches avec des illustrations montrant un « musée suspendu » (non réalisé). Ce dernier aurait relié la Ville-Haute et le quartier de la Gare et était imaginé par Max von Roesgen afin d’obtenir son diplôme d’architecte à la Technische Universität Wien.
Accompagnés d’une brève description, les différents projets architecturaux et plans de réaménagement sont resitués dans leur contexte original et il n’est pas étonnant d’en retrouver certains qui ont suscité de vives polémiques auprès des citoyens, tel celui du Mudam critiqué pendant des années à cause de l’implantation sur le Fort Thüngen, du budget élevé et du temps de réalisation étendu. Les deux maquettes exposées qu’Ieoh Ming Pei a réalisées pour le Mudam – la première qui fut rejetée et l’autre, modifiée, qui a finalement été retenue – sont susceptibles de relancer, cinq années après l’achèvement de la construction, le débat : ce projet monumental est-il « rentable » du point de vue économique autant que culturel ?
Hormis les débats politiques autour des intentions de réaménagement de la capitale, l’exposition peut aussi être comprise comme une excursion dans la vie quotidienne des bureaux d’architecture ou des institutions comme le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du Plateau du Kirchberg, de la Fondation de l’Architecture et de l’Ingénierie ou de l’Administration des bâtiments publics (tous partenaires de l’exposition, ensemble avec la Ville de Luxembourg et l’Ordre des Architectes et des Ingénieurs-Conseils). On peut en conséquence observer les différentes façons dont les maquettes ont été réalisées : carton-plume, plastique, mousse, bois (comme la proposition non retenue du Musée d’art contemporain aux Rotondes) ou plâtre coloré (comme le projet abandonné d’un Bâtiment administratif « Rousegärtchen »).
L’une des maquettes les plus attrayantes d’un point de vue historique est celle placée au rez-de-chaussée du Carré Rotondes qui retrace le centre ville tel qu’il a été au tournant du XVIIIe siècle. Elle est une copie de 1980 d’une maquette que Martin Boitaud a réalisée en 1802 et qui se trouve aujourd’hui à l’Hôtel des Invalides à Paris. On peut y voir la fortification et les bastions qui entouraient le centre ville alors très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui.
D’une manière générale, on peut affirmer que la mise en scène sobre des maquettes (sur des plaques blanches, elles-mêmes posées sur des palettes en bois) et des plans colle avec le cadre de l’ancien site industriel du Carré Rotondes. Les maquettes ont été regroupées selon les axes directeurs du Boulevard Kennedy, du Boulevard Royal et de l’Avenue de la Liberté et se terminent par les projets de réaménagement de la Gare Centrale, de la rue Hollerich, de la Gare de Cessange et du ban de Gasperich, tous en suspens. Cependant, même si les responsables de l’exposition proposent un parcours bien défini, la disposition des maquettes ne permet pas de faire le tour autour d’une seule maquette afin de la regarder de plus près et des différents côtés. L’exposition semble donc pensée comme un projet conceptuel davantage que visuel, voire historique.