Les vacances de neige devront attendre, en ce qui concerne Gaston Reinesch, l'administrateur général du ministère des Finances. Le deuxième Conseil « Écofin » en huit jours a tout autant échoué que le premier à clôturer le dossier de la fiscalité des intérêts. Rendez-vous est maintenant pris pour le 21 janvier 2003. Et, surprise, le ministre des Finances Jean-Claude Juncker s'est même dit prudemment optimiste pour ce rendez-vous. Mercredi toutefois, il n'avait guère de raisons de se réjouir.
Une chose est claire entre-temps. L'objectif de l'Union européenne dans ces négociations a définitivement débordé l'assurance d'une imposition minimale des revenus d'intérêts en Europe, comme c'était défini au début. Maintenant, la chasse à la fraude fiscale est ouverte.
Alors que Jean-Claude Juncker insiste toujours sur le compromis de Feira ? le Luxembourg n'ira pas plus loin que la Suisse ? la présidence danoise soutenait mercredi la ligne qu'un membre de l'Union européenne doit faire un pas de plus qu'un État tiers. Le compromis danois prévoyait ainsi qu'à partir de 2011 (à la fin de la période de transition), les pays à secret bancaire de l'UE devancent toujours d'un peu la Suisse. Si la Confédération accepte l'échange d'informations sur demande en matière d'escroquerie fiscale, le Luxembourg devra l'accepter pour la fraude fiscale. Et si la Suisse l'accepte pour la fraude fiscale, le Grand-Duché devra passer de la procédure sur demande à un échange d'informations automatique.
Dans ses tractations, Juncker se sentait mercredi en cours de négociations plutôt seul. La Belgique avait déjà lâché. L'Autriche vacillait aux yeux du Premier luxembourgeois. L'avantage du Grand-Duché est toutefois que sa délégation connaît ce dossier par cur. Ce qui fait que la présidence avait tout juste fini sa présentation sur l'accord trouvé avec la Suisse, que Gaston Reinesch leur avait déjà servi douze demandes de précisions sur des aspects techniques du compromis. Il reviendra à la présidence grecque d'y répondre.
Le rendez-vous de Bruxelles a néanmoins permis d'avancer sur certains points. Le Royaume-Uni, où plutôt ses dépendances Jersey, Guernesey et autres îles Cayman, se conformeraient ainsi au compromis de Feira en passant à l'échange d'informations automatique dès 2004.
L'accord trouvé par l'UE avec la Suisse a cependant aussi déjà ouvert des portes que le Luxembourg ne s'imaginait pas passer de si tôt. La Confédération refuse certes toujours de lever son secret bancaire en matière de fraude fiscale. En ce qui concerne l'escroquerie fiscale (une forme aggravée et systématique de la fraude fiscale), les Suisses n'acceptent par contre pas seulement une entraide judiciaire (comme c'est le cas aujourd'hui au Grand-Duché) mais aussi une « Amtshilfe ». L'échange d'informations ne jouera donc pas seulement sur demande d'un juge étranger, mais aussi si la requête provient d'une administration fiscale : du jamais vu, ni en Suisse ni au Luxembourg.
Pour s'y conformer, le Grand-Duché devra revoir quelques textes de loi. Jusqu'ici, l'administration fiscale luxembourgeoise ne dispose pas d'informations sur les comptes en banque ouverts sur la place financière. Elle n'a pas davantage le droit d'exiger ces données d'une banque. Peu importe quel sera l'aboutissement des tractations autour de la fiscalité de l'épargne, une chose est sûre : le secret bancaire en sortira encore davantage relativisé.