Juste avant de partir en vacances, le gouvernement a adopté 62 amendements au projet de loi sur la chasse. Dans un entretien avec le Land, le ministre délégué au Développement durable et aux Infrastructures, Marco Schank (CSV) précise que rien n’a changé sur le fond, que des adaptations ont été faites pour tenir compte des observations et oppositions formulées par le Conseil d’État. Ce qui lui tient à cœur, c’est le principe que la chasse est d’intérêt général, l’état des forêts et la conservation de la nature sont sa priorité absolue, souligne-t-il, tout en précisant qu’il agit au nom de ses électeurs.
Il soutient l’interdiction du nourrissage du gibier – même si l’appâtage reste toujours possible – et la réduction de la superficie des lots de chasse de 400 à 300 hectares pour éviter que seuls les chasseurs les plus fortunés puissent participer aux enchères. Les autorités publiques ont toujours la possibilité d’organiser des chasses administratives pour rééquilibrer des surpopulations de gibier comme c’est toujours le cas du chevreuil et du sanglier. Les conséquences s’en font remarquer par des plantations agricoles et forestières détruites.
Ensuite, la législation sera adaptée à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Dorénavant, les propriétaires fonciers opposants à la chasse pourront retirer leurs territoires des lots de chasse par simple lettre. « Ce ne sera pas facile pour organiser une chasse dans ces régions-là, mais nous devons nous plier au jugement de Strasbourg », ajoute Marco Schank. En pratique, le propriétaire opposant éthique ne sera pas tenu de marquer ses terres où il sera défendu de chasser. Aux chasseurs donc de s’organiser pour repérer et contourner les parcelles concernées.
Cependant, il faut être motivé pour faire la démarche d’exclure ses terrains des lots de chasse. Car elle n’est pas sans conséquences pour les propriétaires, qui sont tenus pour responsables des dégâts provoqués par le gibier. Non seulement sur leurs propres terrains, mais aussi pour les ravages causés aux exploitants agricoles auxquels ils devront payer des indemnités pour la perte des récoltes. Les propriétaires des terrains intégrés dans les lots de chasse seront par contre indemnes, car ce sont les bailleurs qui seront responsables de la réparation du dommage – ils ont aussi droit à un loyer.
En outre, il devra laisser passer les chasseurs sur son territoire à la recherche d’un animal blessé qui s’y serait réfugié ou qui doivent contrôler le résultat d’un tir sur un animal. Les chiens de chasse pourront aussi passer par là, pour autant qu’ils n’y ont pas été poussés par leur maître. D’ailleurs, les organisateurs seront dorénavant obligés de se doter de chiens de sang, spécialement entraînés pour retrouver la trace des bêtes blessées. Le chasseur aura aussi le droit d’y rechercher ses chiens perdus. Tous ces mouvements ne sont pas classés « actes de chasse ». En fin de compte, ce ne sera pas facile pour les opposants éthiques de prouver que quelqu’un s’est introduit illégalement sur leur territoire.
Un acte de chasse est défini dans le projet de loi comme étant « tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite ou à l’attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la mort de celui-ci ». L’automne sera chaud, on peut bien s’imaginer les scènes de pistage du chasseur, suspecté de ne pas respecter l’interdiction d’accès à certains territoires. Surtout que certains ont souvent tendance à se conduire comme les maîtres des lieux lors des battues, n’hésitant pas à faire déguerpir de manière peu élégante des promeneurs qui n’ont pas été au courant de l’événement. Sans parler des accrochages entre opposants à la chasse et traqueurs de gibier.
Il est peu probable que les esprits se calment de si peu. Même si le groupe des opposants à la chasse est en ce moment désuni, suite à des querelles internes. Or, l’idée d’organiser un référendum pour charger la main publique de la régulation et de la protection du gibier circule. La chasse en tant que loisir privé serait abolie à ce moment-là. On annonce aussi la réactivation du site www.juegdgeigner.lu dans les prochains jours.
La fédération Saint Hubert des chasseurs du grand-duché de Luxembourg s’est pour sa part aussi réorganisée, avec à la tête un nouveau président, Georges Jacobs, qui a fait une entrée remarquée par la publication d’un éditorial en juin dans Jeeër, la publication interne de la fédération. Il y décrit notamment que dans les pays scandinaves, la moitié des jeunes vont à la chasse ou à la pêche. « L’étude Pisa a démontré que ces jeunes gens sont les plus intelligents et les plus ouverts de tous les pays de l’UE. C’est peut-être parce qu’ils ont appris à l’école comment dépiauter un lapin. » En outre, il a conseillé à ses collègues chasseurs de poser une question à leurs détracteurs : Est-ce que vous reconnaissez qu’un acte de chasse est, indépendamment de la régulation du cheptel et de la prévention des maladies, d’une grande valeur du point de vue humain, culturel et social ? « Si la personne n’est pas capable de répondre ‘oui’, sans restriction, à cette question, vous n’avez pas besoin de continuer à discuter ! Elle ne sait pas de quoi elle parle, tout comme le Conseil d’État dans son avis concernant la loi sur la chasse. » C’est le moment de vérité.
Tout comme l’a été l’intervention musclée de l’ancien président Jos Bourg, lors de l’assemblée générale de la fédération à Niederanven le 2 mai, où il a attaqué de front des fonctionnaires du Service de la Nature du ministère du Développement durable, dont celui qui avait été chargé dossier. Celui-ci s’était attiré les foudres des chasseurs lorsqu’il les avait désignés comme étant responsables de la surpopulation des sangliers et des chevreuils et des dommages infligés à la nature, à cause du nourrissage excessif des bêtes par leurs soins. Depuis lors, il est devenu la bête noire des chasseurs, même si le ministre s’est publiquement prononcé en sa faveur.
« Je ne peux cautionner un tel comportement, souligne le Marco Schank. Après le congrès, j’ai reçu des appels de chasseurs qui se sont excusés pour cette partie du congrès et je ne pense pas qu’il soit dans l’intérêt des chasseurs de continuer sur cette voie-là, de créer des conflits avec l’administration de la Nature.
Au contraire, nous avons besoin de plus de sérénité dans ce dossier. Une telle attitude existait peut-être au Moyen-Âge, mais plus maintenant ! Je ne la tolèrerai pas et je pense que j’ai été assez clair sur ce point-là. »
Pas plus qu’il ne fait confiance à tous les chasseurs qui devront arrêter de nourrir le gibier en forêt. Comme l’appâtage est encore possible, certains seront peut-être tentés de forcer sur la dose. « C’est une question de contrôle, admet Marco Schank, mais je suis confiant que la plupart des chasseurs sauront être raisonnables. »
La grogne des chasseurs est d’autant plus incompréhensible qu’ils ont obtenu satisfaction en ce qui concerne la composition du Conseil supérieur de la chasse où ils constituent le groupe le plus important avec quatre représentants. Il y a en outre un délégué du ministère du Développement durable, deux de l’administration de la Nature, un du ministère de l’Agriculture, trois de la Chambre de l’agriculture, un des propriétaires fonciers et deux des organisations pour la protection de l’environnement.
Les cinq commissions cynégétiques régionales comptent trois délégués des associations de chasse, un représentant de l’administration, deux de la Chambre de l’agriculture et un des propriétaires fonciers.
Ce sont des organes consultatifs importants qui proposent notamment les périodes d’ouverture de la chasse, les plans de tir, le nombre de têtes à abattre et les espèces de gibier à chasser.
Dans ce contexte, la position du ministre est ferme : c’est lui qui décide en fin de compte. Il souhaite faire passer le message qu’il ne se laissera pas influencer ni intimider. D’un autre côté, il n’est pas d’avis qu’il existe une alternative valable à la chasse-loisir.