« La politique énergétique et climatique la plus ambitieuse au monde ». C’est en ces termes qu’Herman Van Rompuy, président sortant du Conseil européen, a qualifié sur twitter l’accord sur le climat auquel sont parvenus les 28 dans la nuit du vendredi 24 octobre. Ce nouveau cadre d’action, qui sera ensuite soumis au Parlement européen, fixe trois objectifs majeurs à l’horizon 2030 : la diminution des gaz à effet de serre d’au moins quarante pour cent par rapport à 1990, l’augmentation de la part des énergies renouvelables à 27 pour cent du mix énergétique et la réalisation de 27 pour cent d’économies d’énergie. Seul l’objectif de diminution des gaz à effet de serre a un caractère contraignant pour les États membres. Celui concernant les énergies renouvelables ne sera obligatoire qu’au niveau européen et les économies d’énergie ne feront pas l’objet d’une obligation.
« Ce sont des objectifs importants, non seulement pour un pays, mais pour les 28. C’est important d’aller dans une même direction puisque ceci constitue un signal fort pour la conférence des parties à Paris », a estimé Xavier Bettel à l’issue de la première journée du Conseil européen. La conférence des parties, ou COP21, qui se tiendra en décembre 2015 est, en effet, un enjeu majeur. Un accord mondial sur le climat pourrait être signé à cette occasion et l’Union européenne souhaite y jouer un rôle de leader pour aboutir à un traité ambitieux limitant le réchauffement climatique sous la barre des 2°C. Il était donc primordial que les États européens parviennent à une position commune avant la conférence préparatoire qui se tiendra en décembre à Lima.
Les négociations ont été âpres pour aboutir au compromis. L’accord introduit une clause de révision en stipulant que « le Conseil européen va continuer d’examiner tous les éléments du cadre et de donner des orientations stratégiques le cas échéant » et de nombreuses concessions ont été faites aux États. Les plus ambitieux comme le Danemark et l’Allemagne ont obtenu l’ajout du mot « au moins » devant les trois objectifs. L’Espagne et le Portugal ont réussi à introduire la mention indiquant que « la Commission fera également régulièrement rapport au Conseil européen pour parvenir à un objectif de quinze pour cent [d’interconnexions électriques] d’ici 2030 » même si l’objectif européen est, moins ambitieusement, fixé à dix pour cent. La Pologne a obtenu une inflexion du système européen d’échange de droits d’émission (ETS) pour les États membres dont le PIB per capita est inférieur à soixante pour cent de la moyenne UE.
La concession majeure obtenue par le Luxembourg, et plusieurs autres petits pays au PIB par habitant élevé, est la prise en compte du concept coût/efficacité dans les efforts que doivent fournir les États membres (coût d’une amélioration marginale plus lourd lorsque l’efficacité énergétique est déjà très élevée) et l’introduction des adjectifs « équitable et équilibré » pour la partie des objectifs nationaux de réduction des émissions calculée en fonction du produit intérieur brut par habitant. « Le Luxembourg a le PIB/habitant le plus élevé de l’Union européenne donc l’enjeu était important » précise une source luxembourgeoise proche du dossier. « En revanche, le Luxembourg était favorable à la fixation d’objectifs plus ambitieux et contraignants de trente pour cent pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique » poursuit la même source, précisant que « le taux d’énergies renouvelables est décevant pour le Luxembourg qui a une position anti-nucléaire ». Si le résultat est moins ambitieux qu’espéré, le Luxembourg ressort, dans l’ensemble, satisfait du compromis.
Il n’en va pas de même pour les verts et les associations écologistes. L’eurodéputé Claude Turmes estime que « l’Union Européenne de l’Énergie annoncée par Juncker est mort-née » et que les résultats du sommet « mettent en péril l’objectif de limiter le réchauffement de la température à moins de 2°C d’ici la fin du siècle ». Le réseau écologiste Les amis de la Terre a également réagi vivement. Concernant les énergies renouvelables, son président, Florent Compain regrette qu’avec « un tel objectif, c’est comme si l’on disait aux gouvernements européens : n’essayez pas de faire mieux que ce que vous faites déjà ! C’est une aberration ». Natalia Alonso, la porte-parole d’Oxfam, s’étonne que les objectifs soient en deçà des préconisations de beaucoup d’acteurs estimant qu’ « il est frappant que les chefs d’entreprise aient appelé à des objectifs plus élevés et plus contraignants que ceux convenus par les dirigeants européens » et appelle les 28 à « se racheter en révisant ces objectifs le plus tôt possible en amont de la Conférence climat de Paris ».
Ces critiques ne semblent pas entamer l’enthousiasme des chefs d’États et de gouvernements qui se réjouissent d’avoir atteint une position commune. Une question demeure néanmoins : avec un premier vice-président, Frans Timmermans, en charge du développement durable, un vice-président, Marcos Sefcovic, à l’Union de l’énergie et un commissaire, Miguel Arias Cañete, à l’action pour le climat et la politique énergétique, qui sera la voix de l’Union européenne pour le climat ?