Le Statec en a marre. Quasi ignoré pendant des années, il est devenu depuis la rectification des chiffres de croissance de 2001 -- de 3,5 à un pour cent -- la risée des cocktails réunissant le monde politique et le milieu des affaires. Son directeur, Robert Weides, reconnaît certes que l'annonce du fameux chiffre par voie d'un communiqué anodin et très technique n'était pas le choix le plus judicieux. Il estime toutefois surtout avoir sous-estimé « que la campagne électorale avait déjà commencé ».
Sur le fond, Ferdy Adam, l'économiste le plus exposé de l'office statistique, tient bon. « Je refuse qu'on nous reproche de ne pas avoir reconnu le retournement de la situation conjoncturelle, lançait-il mercredi. Dès la mi-2001, avant même le 11 septembre, nous avons annoncé un ralentissement très fort des exportations de services financiers. Nos prévisions sont de même restées très prudentes de par le langage utilisé. » L'élément-clé, impossible à prévoir, était l'évolution des Bourses, qui influencent directement l'activité sur la place financière.
Il reste néanmoins vrai qu'une correction comme en 2000 de 7,5 à neuf pour cent (un plus de 20 pour cent) est moins dramatique que celle en 2001 de 3,5 à un pour cent (un moins de 71 pour cent).
Pour l'année en cours, le Statec ne prévoit plus de reprise. En attendant une précision des chiffres en novembre, l'office indique une fourchette de 0,5 à deux pour cent de croissance. Sauf miracle boursier, c'est toutefois le chiffre le plus bas qu'il faudra prendre comme référence. Pour 2003, la fourchette s'établit à entre deux et 3,5 pour cent.
Le plus surprenant dans cette morosité reste pour l'instant que l'emploi ne semble touché que de manière modérée. En août, le nombre de postes augmentait ainsi toujours de 2,8 pour cent sur une année. Le ralentissement de la création d'emplois est toutefois nette : de janvier à août, près de 15 000 emplois nets étaient créés en 2001. Cette année, il n'y en avait plus que la moitié.
Les chiffres sont, sans surprise, le plus frappant dans les banques. Début 2001, l'emploi progressait encore de presque dix pour cent sur un an. Au deuxième trimestre 2002, il régressait pour la première fois depuis une petite éternité. Mais comparé aux chiffres du PIB, l'emploi se maintient néanmoins plutôt bien. Un phénomène qui risque de ne pas durer.
D'un taux de chômage de 2,5 pour cent il y a un an, on est passé en septembre à trois pour cent. Sur un an, le nombre de demandeurs d'emplois a augmenté de près d'un quart. Il faudrait en plus y ajouter les quelque mille frontaliers qui quittent le Luxembourg mois après mois. « L'emploi réagit avec un certain retard sur la situation conjoncturelle, » explique Ferdy Adam.
Parmi les explications on trouve, outre la législation plutôt restrictive au Grand-Duché, le fait que les entreprises ont vécu pendant des années une situation de pénurie de main d'uvre. Alors que l'espoir persiste de voir l'activité reprendre, les employeurs hésitent donc de licencier à tout va. Mais en cas de reprise, l'emploi n'en profitera de même qu'avec retard.
Il reste que la croissance de l'emploi baisse chaque mois de 0,2 pour cent. En 2003, elle baissera en dessous de deux pour cent sur un an. Le constat du Statec est sans appel : « Le chômage augmentera. »