La soirée était longue lundi à la commune de Roeser, les orateurs concentrés et imperturbables, la salle pleine à craquer, le public averti. Car les arguments que beaucoup ont avancés pour exprimer leur scepticisme face au projet de construction d’un stade et d’un outlet mall à Livange ne se limitaient pas à des considérations purement individualistes, qui marquent habituellement les séances d’information locales.
L’invitation en elle-même ne parlait que de la présentation du masterplan du stade national de football de Livange. Aucune allusion au colosse commercial de 76 000 mètres carrés : 28 000 mètres carrés pour le Factory outlet center, 27 000 mètres carrés pour des commerces de jardinerie, meubles/art de la table, sport et 12 000 mètres carrés de surface shopping. Le tout sur 16,7 hectares – un stade avec accessoirement un centre commercial ou est-ce plutôt l’inverse ? Il semble que cela varie selon les besoins du dossier.
L’équipe venue vendre le projet aux habitants de la commune de Roeser était bien préparée, sous l’œil attentif du promoteur Flavio Becca, assis au premier rang. Le ministre des Sports Romain Schneider (LSAP) – le seul ministre qui ait eu le courage de monter sur le ring – a vanté le confort du nouveau complexe sportif, destiné à attirer les familles pour combler les gradins à 10 000 sièges pour les quelque 25 matchs prévus par an. Ensuite le représentant du ministère du Développement durable et des Infrastructures, Romain Diederich, a égrené tous les « soucis » auxquels ses services et les bureaux d’études ont dû faire face pour élaborer ce projet d’« importance nationale ». Après le rapport détaillé du masterplan (sans chiffres, ni estimations financières d’ailleurs), le bourgmestre Tom Jungen (LSAP), lui-même convaincu des apports bénéfiques du projet, a tenté de persuader ses électeurs que rien ne pouvait leur être imposé sans leur consentement.
Or, le public ne pourra s’exprimer officiellement qu’après l’accord provisoire du conseil communal pour le reclassement ponctuel du terrain. C’est à ce moment-là seulement que la position de la Commission d’aménagement du territoire et le résultat des études d’impact seront rendus publics. Maintenant, ses objections sont connues et ont déjà été repoussées point par point par les défenseurs du projet lundi, qui ont donc quelques longueurs d’avance dès le départ.
Selon le scénario qui se présente, il reste peu probable que le ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf (CSV), qui aura le dernier mot après le déroulement de la procédure entière, adopte une autre position que celle du gouvernement. Rappelons que les ministres ont dernièrement réitéré leur soutien à la construction du projet (d’Land du 15 juillet 2011). Après, il restera la possibilité d’introduire un recours auprès des juridictions administratives.
La prochaine étape sera le vote provisoire du conseil communal à la mi-septembre. Soit les édiles locaux décident alors de lancer la machine, soit ils renvoyent la balle au gouvernement en lui proposant de prendre ses responsabilités et de lancer la procédure POS, Plan d’occupation du sol (d’Land du 10 décembre 2010) – pour les projets d’envergure nationale – au lieu de faire reposer le mastodonte sur les frêles épaules d’une petite commune comme Roeser.
Or, sur ce point, Romain Diederich a créé la surprise en estimant que ce genre de procédure n’était pas applicable aux surfaces commerciales. Donc, d’un coup, le stade national de football ne serait plus d’intérêt public, mais juste « d’importance » nationale, en fonction de sa dimension énorme. C’est un projet privé quand ça arrange, tout en étant en même temps dans l’intérêt de tous les citoyens. Lorsqu’il s’agit de régler les frais d’infrastructure et de maintien peut-être.