130 milliards de dollars (99 milliards d’euros) : c’est le montant historique qu’a obtenu le Britannique Vodafone au géant américain des télécoms Verizon de sa participation de 45 pour cent détenue dans leur société commune aux États-Unis, Verizon Wireless (le plus gros opérateur américain de téléphonie mobile). C’est qu’ont annoncé les parties le 2 septembre. Cela fait de ce deal, le troisième plus important jamais réalisé après l’OPA de 203 milliards de dollars de Vodafone sur Mannesmann en 1999 et celle de 181 milliards de Time Warner sur AOL l’année suivante, en plein boom de la nouvelle économie.
Cette opération témoigne de la restructuration du secteur de la téléphonie mobile des deux cotés de l’Atlantique. La transaction, dans les tuyaux depuis plusieurs années, doit encore être confirmée par les conseils d’administrations des sociétés. Il fallait trouver un accord sur le prix de vente et minimiser l’incidence fiscale pour Vodafone qui, au passage, paierait rien au fisc britannique, mais près de 3 milliards de dollars à l’administration américaine. Tout devrait être bouclé au premier trimestre de 2014. La facture est lourde pour Vérizon, mais cela lui permet d’avoir les coudées franches aux État-Unis, où la concurrence s’intensifie dans ce domaine de la téléphonie mobile. Il récupère le contrôle total de Verzon Wireless, qui est le joyau de sa couronne, avec un cash flow de plus de 28,6 milliards de dollars en 2013. C’est aussi une référence mondiale en matière de mobile depuis son déploiement réussi de la 4G.
Pour Vodafone, dont le bénéfice net s’est effondré à 796 millions d’euros sur l’exercice 2012/2013 sous le poids de dépréciations liées à ses activités en Europe du sud plombées par la récession et l’austérité, c’est le « jackpot ». L’opération devrait accélérer la restructuration du secteur de la téléphonie mobile en Europe déjà très convoité par les concurrents américains ou asiatiques. Vodafone, pourrait en effet davantage lorgner certains opérateurs européens. Mieux placé que ses concurrents européens en termes de capitalisation, il aurait ainsi l’occasion de diversifier son offre trop orientée sur la téléphonie mobile, comme nombre de ses concurrents, alors qu’il fait partie des principaux acteurs au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne et en Allemagne notamment. C’est ce qu’il vise dans son rapprochement à 7,7 millions d’euros avec le premier câblo-opérateur allemand Kabel Deutschland, notifié à la Commission européenne le 16 août dernier, qui devrait lui permettre de proposer des paquets « fixe + mobile + télévision+ internet » à quelque 8,5 millions de foyers dans 13 des 16 Länder allemands. Et par ailleurs lui permettre d’économiser les frais qu’il paie actuellement à Deutsche Telekom pour utiliser le dernier kilomètre entre le réseau principal et l’utilisateur. Plus largement, Vodafone cherche à remettre à plat sa stratégie de développement tous azimuts des années passées et se focaliser sur les marchés fortement concurrentiels, d’où son désengagement en France et en Pologne. En Italie en revanche, il récupère les 25 pour cent de sa filiale, Vodafone Italia, que détenait Verizon.
Néanmoins, les analystes sont restés sur leur faim car plutôt que d’utiliser au mieux cette potentielle force de frappe pour se diversifier, Vodafone a décidé de d’abord reverser 71 pour cent de la somme en actions et en liquide. « Nous récompensons nos investisseurs de leur soutien », a ainsi souligné Vittorio Colao, le directeur général de Vodafone, en ouverture de sa conférence de presse, lundi. Ce qui laisse tout de même 22 à 30 milliards d’euros pour rembourser sa dette et ouvrir le feu pour la recomposition du secteur. Cela passera aussi par des investissements lourds en fibre optique notamment qui sont déjà planifiés. « La beauté de cette transaction est qu’elle nous permet à la fois de remercier nos actionnaires et de saisir des opportunités » a encore indiqué Vittorio Colao. Il a rapidement évoqué les domaines prioritaires où il va investir : la téléphonie mobile de 4e génération (4G) en Europe pour couvrir ses cinq principaux pays européens à 90 pour cent d’ici à 2017, la 3G dans les pays émergents, les réseaux de fibre optique et une meilleure pénétration des systèmes de paiement par téléphone portable.