Cegecom

Les électriciens

d'Lëtzebuerger Land vom 29.06.2000

Un reproche qu'on ne peut sûrement pas adresser à Cegecom est de vouloir se faire de l'argent facile sur le dos des P[&]T. La filiale du distributeur électrique Cegedel développe au contraire un des projets d'infrastructures les plus ambitieux du secteur. 

Grâce aux fibres optiques intégrées dans les lignes de haute et de moyenne tension de Cegedel, Cegecom dispose ainsi dès aujourd'hui du plus important backbone1 national à côté de celui de l'ancien monopoliste. Il se compose d'un côté d'une ceinture autour de la capitale et de l'autre de lignes vers le sud, le nord, l'est et l'ouest du pays. Son réseau reste jusqu'à présent la seule connexion en fibres vers l'étranger. La ligne vers la France est réalisée depuis décembre 1999, celle vers Arlon suivra dans les prochains jours alors que celle vers l'Allemagne est en préparation pour la rentrée. Pas étonnant dès lors que Cegecom compte parmi les partenaires les plus recherchés sur le marché en ébullition des télécommunications luxembourgeoises. KPN et FirstMark louent ainsi des capacités chez Cegecom. GTS a même réussi à louer une fibre nue à la filiale de Cegedel. Un contrat que Cegecom ne signerait cependant plus aujourd'hui. 

Construire un backbone est toutefois encore une chose assez aisée, d'autant plus si on peut recourir aux infrastructures de Cegedel. Le défi reste de connecter le client final, qui est souvent loin des lignes de haute tension. Cegecom compte ainsi parmi les plus attentifs observateurs de chantiers du pays. Dès qu'on ouvre une route, l'opérateur vérifie s'il ne serait pas opportun d'y poser sa fibre. Son principal point faible reste le territoire de Luxembourg-ville. Sa maison-mère ne peut guère l'aider : le réseau électrique est du ressort de l'administration communale. Même si les contraintes de la libéralisation de ce secteur de-vraient offrir de nouvelles opportunités au couple Cegedel/ Cegecom. En attendant, Cegecom complète son réseau en recourant aux con-nex-ions sans file de BCE.

Outre son activité de carrier's carrier, Cegecom commercialise aussi ses services auprès des clients finaux. La demande d'une licence A lui permettant d'offrir la téléphonie est en cours. La société compte aujourd'hui une vingtaine de clients. Pour les services de lignes louées internationales, elle collabore avec KPN en Belgique et Carrier 24 et VSE-Net en Allemagne. Ses ambitions dépassent d'ailleurs les frontières luxembourgeoises. Cegecom prévoit ainsi une présence physique à Trèves et veut de même devenir un acteur dans l'ensemble de la Grande Région.

En attendant, Cegecom se positionne à moyen et long terme. Le plan d'affaires ne prévoit pas de bénéfices avant trois à cinq ans. Rien que cette année, la société investira  quelque cent millions de francs.

D'autres projets existent d'ailleurs. En partenariat avec Cegedel, SES et la ville de Luxembourg, Cegecom prévoit ainsi de lancer un projet pilote de télécommunication par voie de câbles électriques : power line communication (PLC). Le projet devrait atteindre entre vingt et trente ménages. L'espoir est de pouvoir passer à la phase commerciale dès l'année prochaine. Or, le projet  PLC reste aujourd'hui marqué d'un grand point d'interrogation, car si la technologie est certes prometteuse, elle n'a jusqu'à présent pu dépasser le stade du pilote nulle part. Vu le potentiel - un succès ferait de Cegecom d'un coup le concurrent des P[&]T et des câblo-opérateurs le mieux équipé - les vingt à trente millions de francs prévus pour le projet pilote seront bien investis.

La question plus large qui se pose pour Cegecom est toutefois celle des alliances. Aujourd'hui, la société danse un peu à tous les mariages. À terme, elle devra cependant réfléchir si sa survie ne dépendra pas d'un partenariat stable avec un grand opérateur international, tout en gardant le contrôle des activités luxembourgeoises. Ceci d'autant plus que les télécommunications constituent une activité clef dans la stratégie de la maison-mère.

La question du partenaire se pose de manière plus urgente pour un autre projet de Cegecom : la licence UMTS. Une décision sur une collaboration avec un opérateur expérimenté devrait tomber dans les semaines prochaines. François Thys, directeur général, prévient cependant d'avance : « Nous voulons rester majoritaire dans ce partenariat. Et la décision dans le mobile ne présage rien sur l'avenir de nos activités dans le réseau fixe. »

 

1 Le backbone désigne les fibres optiques qui relient les noeuds d'un réseau entre-eux, à l'opposé des lignes entre ces noeux et la prise du client final

 

Jean-Lou Siweck
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