L’été s’achève et le Parlement européen reprend son activité. Le Lëtzebuerger Land a interrogé trois députés européens sur leurs priorités, leurs attentes vis-à-vis de la nouvelle Commission et les enjeux du Luxembourg en Europe. Viviane Reding, ancienne vice-présidente de la Commission et députée PPE membre de la commission du commerce international, Claude Turmes, député vert membre de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie et Charles Goerens, député ADLE membre de la commission du développement se sont prêtés au jeu. La député socialiste Mady Delvaux-Stehres, également contactée par le Land, n’a pu trouver le temps de répondre à nos questions.
d’Land : Quelles sont vos priorités pour l’année parlementaire qui débute ?
Viviane Reding : J’avais promis aux électeurs que je m’occuperai du commerce extérieur car c’est un des thèmes les plus brûlants pour les Luxembourgeois : accords avec les États-Unis, le Canada,… Aujourd’hui, je suis membre de la commission adéquate. J’ai déjà obtenu une réponse de l’ambassadeur des États-Unis qui a promis que les problèmes de protection des données pourraient être résolus à courte échéance. Je vais aussi suivre les dossiers que j’ai mis en route en tant que Commissaire et participer à l’élaboration de nouveaux Traités.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la nouvelle Commission ?
Jean-Claude Juncker n’a pas la tâche facile, mais ce qu’on peut dire, c’est que ce sera une Commission très politique et très forte. C’est ce que l’on a toujours souhaité, d’ailleurs, si l’agencement voulu par Juncker peut être mis en place, ce sera une Commission capable de fonctionner dans un contexte difficile. Pour la compétitivité, la priorité est l’achèvement du marché unique. Nous sommes un marché potentiel de cinq cent millions de consommateurs mais nous entravons son efficacité nous-même. Il faut éliminer les obstacles et développer un marché commun, une recherche commune, des « project-bonds » pour relancer l’économie. Le marché digital est aussi important. J’espère que le Commissaire qui sera en charge de ce dossier sera à la hauteur des enjeux. Les valeurs, la liberté, la citoyenneté sont aussi prioritaires. Il y a bien des règles communes mais leur remise en question par certains gouvernements européens appelle à la vigilance.
Quels sont les grands enjeux actuels pour le Luxembourg en Europe ?
Le Luxembourg est un petit pays qui joue dans la cour des grands. Il doit faire attention à ne pas régresser à l’échelle de sa dimension géographique. On a souvent laissé le Luxembourg exploiter des niches. Aujourd’hui, on ne nous laissera plus faire. Il faut donc que le Luxembourg développe ses points forts et fasse des efforts importants pour se maintenir à niveau.
d’Land : Quelles sont vos priorités pour l’année parlementaire qui débute ?
Claude Turmes : Ma priorité est plus que jamais la question de l’énergie. La crise avec la Russie amène non seulement à redéfinir la politique étrangère commune mais aussi à repenser notre dépendance aux importations de gaz et de pétrole. L’UE doit donc revoir sa stratégie d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. C’est également une réponse au changement climatique et une préparation à la conférence internationale de 2015. Ma deuxième priorité, c’est la réponse de l’Europe à la globalisation. C’est la question des accords de libre-échange : Ceta avec le Canada, TTip avec les États-Unis, Tisa sur les services. Se pose une question : est-ce que l’UE défend les intérêts des citoyens ou ceux des multinationales ? Ma troisième priorité est le lien de l’Union européenne avec les jeunes. Cela passe par la question du chômage mais aussi de plus de démocratie et de transparence et de plus de social.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la nouvelle Commission ?
Elle doit être une Commission plus sociale qui reconnait l’urgence des dossiers environnementaux et donne un nouveau souffle aux investissements de l’Union européenne. Ce qu’il faut faire est clair : il faut protéger les citoyens européens contre les méfaits de la globalisation. Il faut éviter une austérité excessive qui soit au détriment de la classe moyenne et des ménages à faibles revenus. Il faut relancer l’économie sans détruire l’environnement. Jean-Claude Juncker a promis des choses. On est curieux de voir s’il va mettre les bonnes personnes en place pour les réaliser.
Quels sont les grands enjeux actuels pour le Luxembourg en Europe ?
Le principal enjeux, c’est la préparation de la présidence luxembourgeoise au second semestre 2015. Le gouvernement aura pour tâche de finaliser des dossiers chauds comme la protection des données. La deuxième question, c’est le positionnement du Luxembourg dans l’application de l’accord sur la taxe sur les transactions financières. Sera-t-il un frein ou un moteur ?
d’Land: Quelles sont vos priorités pour l’année parlementaire qui débute ?
Charles Goerens : Ma priorité, pour toute la législature, c’est l’organisation de la solidarité. Si une nouvelle crise devait survenir, ce que personne ne souhaite, on aurait peu de moyens, financiers notamment, d’y faire face. Il importe de jeter les bases d’une plus grande solidarité budgétaire. En effet, il va falloir se doter des moyens nécessaires pour prévenir les crises. Parmi les solutions peuvent figurer, par exemple, de grands travaux d’infrastructures à l’échelle européenne. Au niveau de l’Union économique et monétaire, le statu quo n’est plus à la hauteur du défi. Ce qu’il nous faut, c’est un pacte de solidarité dont la conception et la mise en œuvre devaient, en toute logique, être confiées à un exécutif, un gouvernement de la zone euro, contrôlé par le Parlement européen.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la nouvelle Commission ?
Les dix années de la présidence de Barroso ont sensiblement affaibli l’autorité de la Commission. Il appartient à Jean-Claude Juncker de veiller à l’indépendance de l’exécutif européen et de rétablir son autorité.
Quels sont les grands enjeux actuels pour le Luxembourg en Europe ?
Les finances publiques du Luxembourg sont en déficit depuis des années. La priorité est donc au rééquilibrage. Certes, la situation économique est moins désastreuse qu’il y a quelques années et la croissance est au rendez-vous mais il faut adapter nos structures économiques à un environnement international changeant. La place financière a commencé à faire son aggiornamento. Reste finalement à assurer la préparation de la présidence de l’UE. Sans la sous-estimer, celle-ci a perdu en importance. La politique extérieure de l’UE est désormais conduite par la Haute Représentante pour les Affaires étrangères. Il en est de même du Conseil européen, confié à une présidence permanente. Quant aux autres compétences de l’UE, la présidence tournante va mobiliser toutes les énergies de l’administration luxembourgeoise.