« Il est essentiel pour toute l’Union européenne d’agir rapidement pour mettre en place un véritable marché unique, afin que notre continent soit véritablement connecté ». Telle est la conclusion qu’a tirée Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la stratégie numérique, à la lecture de l’étude publiée le 6 août par la Commission européenne concernant les prix des services de téléphonie mobile en Europe.
Selon cette étude, les communications nationales sur les réseaux mobiles varieraient de quasi 800 pour cent en fonction du pays de l’Union européenne (UE) concerné. Ainsi, les tarifs observés aux Pays-Bas, État membre où ils sont les plus onéreux, équivaudraient à 774 pour cent de ceux affichés en Lituanie. Une différence qui interpelle d’autant plus la Commission européenne que, pour les autres catégories de biens et services de base, les écarts de prix au sein du marché unique européen sont beaucoup plus faibles. Dans un communiqué, la Commission relève que, par exemple, « pour acheter un litre de lait, où que vous soyez dans l’UE, il vous en coûtera entre 0,69 et 0,99 euros, soit une différence de prix de 43 pour cent. Pour l’achat occasionnel d’un iPad on observe un écart de prix de onze pour cent seulement dans l’UE ».
Le Luxembourg s’affiche dans cette étude comme un mauvais élève de la téléphonie. Avec un prix moyen qui s’élève à 14,6 centimes la minute, le grand-duché est sur la deuxième marche du podium des tarifs téléphoniques les plus élevés. Ses communications mobiles nationales ont ainsi un coût équivalent à 768 pour cent de celui observé en Lituanie.
Pourquoi de telles différences de prix ? Pour la Commission, ces écarts ne s’expliquent pas par des différences de qualité ou de prix de revient des services, ni par les variations de pouvoir d’achat entre les États membres. La vice-présidente à la stratégie numérique estime en revanche que « ces chiffres montrent clairement que les 28 marchés nationaux des télécommunications que compte l’Europe aujourd’hui ne constituent pas un avantage pour les consommateurs comme le ferait un marché unique ». Lacune que Neelie Kroes entend bien combler en présentant un nouveau train de mesures pour renforcer le marché unique des télécommunications en septembre.
Seulement, pour les opérateurs et les régulateurs nationaux, il y a un hic. Cette étude, « c’est du café qui n’est plus chaud » pour Paul Schuh, directeur de l’Institut luxembourgeois de régu-lation (ILR). Les chiffres datent de 2011 et beau-coup de paramètres ont changé depuis lors sur les marchés nationaux. De plus, le directeur de l’ILR relève que « la plupart des abonnements sont des forfaits et il y a beaucoup d’offres cumu-lées comprenant la télévision et Internet. La facturation à la minute est extrêmement rare ». « Par ailleurs, les MMS, les SMS et autres ne rentrent pas dans la facturation classique à la minute » a-t-il ajouté.
Même son de cloche critique dans d’autres pays européens étiquetés comme ayant un tarif moyen à la minute supérieur à la moyenne européenne. La Fédération française des télécoms a par exemple réagi vivement en estimant que « en l’état, les conclusions tirées par la Commission le sont sur la seule base de deux tableaux de synthèse présentant des données datant de 2011 dont la source, pour le premier est erronée, pour le second, n’est pas indiquée ». « En tout état de cause, le marché unique des télécoms ne se construit pas à coups de données datées, partielles, voire partiales, à l’origine parfois inconnue » a conclu la fédération. En Belgique, Johan Vande Lanotte, vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, qui a été interrogé par l’agence Belga sur les chiffres de la Commission, les a jugés « dépassés ». « Depuis, les prix ont baissé de manière spectaculaire », a-t-il insisté.
Ces données, datant de 2011, proviennent pourtant des opérateurs de téléphonie eux-mêmes. « Ces données sont les dernières que nous ayons à disposition. Elles sont basées sur le rapport annuel des opérateurs et vérifiées par les autorités de régulation des États membres », explique une porte-parole de la Commission. S’en suit une série de vérifications des données par divers organismes. « C’est un process long », souligne-t-elle.
Si la Commission publie cette étude comparative chaque année avec des chiffres datant de n-2, les réactions sont particulièrement vives cette année. En cause, un différentiel plus important que les fois précédentes. Le marché de la téléphonie mobile a, en effet, connu une accélération de son évolution durant les deux dernières années. Au Luxembourg, Orange a exercé une pression concurrentielle importante, qui a obligé les deux premiers opérateurs nationaux à se repositionner. En France, l’arrivée de Free sur le marché a également exercé une pression à la baisse. Similairement, en Belgique, la conjonction de la loi télécom d’octobre 2012 et de l’arrivée de nouveaux opérateurs à l’été 2012 a tiré les prix vers le bas.
Il semble donc, bien que cela ne puisse encore être confirmé par la Commission chiffres à l’appui, que les prix des communications mobiles aient évolué plus fortement durant la dernière période que durant les précédentes, du fait de la concurrence. Cela intervient dans un contexte dans lequel la facture du roaming devrait également bientôt baisser pour les membres du Benelux. En effet, si Neelie Kroes a annoncé vouloir mettre ce point à l’agenda de l’Union européenne, il figure d’ors et déjà en bonne position dans les projets communs des trois pays.