Ambiance détendue dans la cantine provisoire, installée à quelques centaines de mètres du lac. Des airs de reggae retentissent des haut-parleurs. Pendant que les premiers figurants ont déjà commencé leur pause-déjeuner, le reste de l’équipe tourne encore quelques plans sur l’eau. Entre Insenborn et Esch-sur-Sûre, le Belge Bernard Bellefroid a trouvé le lieu idéal pour quelques séquences de son long-métrage intitulé La Régate.
Celui-ci raconte l’histoire d’Alexandre (Joffrey Verbruggen), un garçon de quinze ans qui rame, dans le sens propre comme dans le sens figuré. Car le jeune sportif âgé de quinze ans est élevé par un père (Thierry Hancisse) qui s’exprime surtout par la violence. Partageant également le même lieu de travail avec lui, l’aviron offre à Alexandre la seule possibilité d’échapper à l’emprise paternelle. C’est ici qu’il fait ses premières expériences de compétition, d’amitié et d’amour qu’une vie sans violence peut contenir.
Entretemps arrivé à la tente-restaurant Sergi Lopez (Pan’s Labyrinth, Guillermo del Toro, 2006), qui interprète le rôle de l’entraîneur, confirme que son personnage remplace en quelque sorte le père, mais précise que c’est une fonction qui lui est attribué malgré lui : « L’entraîneur ne sait pas ce qui se passe entre Alexandre et son père. (…) Ce qui me semble intéressant dans ce rôle est l’ignorance qu’on peut avoir vis-à-vis d’une situation qui se passe sous nos yeux. La compréhension d’un tel problème arrive souvent trop tard. »Mais les caractéristiques et l’importance de ses personnages dans l’intrigue ne sont pas l’élément essentiel pour Sergi Lopez dans le choix de ces rôles. « Que je joue le personnage principal ou un rôle secondaire comme dans ce film, ce qui compte est la qualité du scénario dans son ensemble et le fait de sentir que le réalisateur soit véritablement passionné par son histoire. « S’il marque sa présence, son équipe est contaminée par son esprit et cela se ressent. (…) C’est dans cette optique que le scénario et la première rencontre avec Bernard m’ont motivé à accepter ce rôle. »
Comme pour souligner sa détermination ainsi décrite par un de ses acteurs, le réalisateur a déjà quitté la table en direction du plateau pendant que son équipe finit encore son repas.
Le tournage de cette co-production entre la Belgique, la France et le Luxembourg qui s’est déroulé successivement à Bereldange, Luxembourg-Ville et Walferdange marquera une dernière étape à Hesperange avant de quitter le grand-duché pour la Belgique. Le bilan intermédiaire dressé par le producteur Claude Waringo de la société Samsa Film est très positif. Une conclusion qui confirme la bonne impression que La Régate a laissée dès le départ : « Après avoir repris ce projet des mains des frères Dardenne, qui n’ont finalement pas souhaité le produire eux-mêmes, nous nous sommes heurtés à tellement peu de difficultés pour trouver les financements nécessaires que cela nous faisaient presque peur. »
Les rameurs d’Esch-sur-Sûre semblent donc en route vers un film d’auteur intimiste. Car même si La Régate constitue pour Bernard Bellefroid sa première expérience en dehors du documentaire, les intentions affichées et les témoignages recueillis laissent pressentir des émotions d’un réalisme dignes de ce genre.