Un jour, ils se sont exclamés Fodes ! comme on jurerait Nondikass ! - ou Fuck ! pour les internationalistes. Assez de l'inertie, agissons, faisons bouger les choses ! Daniel Neumanns et José da Costa se connaissaient de leurs études américaines, José et Paulo Mira étaient des potes d'adolescence, du temps du skateboarding - l'idée de canaliser leurs énergies, de regrouper leurs créativités, de faire se rencontrer des talents était vite née au sein de cette cellule devenue alors l'asbl The Cornelius Project. Un nom aussi intrigant que le site web qui sert de base : www.fodes.net.
D'ailleurs, pour la petite histoire, les trois concepteurs se sont vus refuser l'adresse .lu par Restena, l'instance gestionnaire des adresses Internet luxembourgeoises, qui jugeait le nom choisi « mauvais goût ». En portugais, Foda-se est effectivement un juron grossier, mais son homonyme est ici utilisé avec beaucoup d'humour, l'argument des prudes ne fait pas seulement rigoler les trois créatifs. L'abonnement à une adresse internationale .net n'étant pas vraiment plus cher, la solution à ce problème était donc vite trouvée, mais voilà encore une initiative intéressante qui échappe à e-Lëtzebuerg...
À l'ouverture du site, un battement de coeur, où que l'on surfe, quelle que soit la rubrique que l'on choisisse d'ouvrir, on est submergé d'images et de sons, de petits films et d'animations baignant dans une ambiance étrange, d'une urbanité à la fois inquiétante et jouissive. Cornelius est un projet arborescent, dont le tronc commun serait le site Internet, servant de base et de point de départ. D'ici sont lancés les nouveaux projets, par ici transitent les news, ici sont publiées les dernières idées et se nouent les contacts.
La maîtrise de la technologie, l'interactivité ludique, l'interdisciplinarité, la qualité du graphisme et la facilité d'utilisation sont les grandes qualités de ce site hors du commun dans le cyberspace autochtone. Les trois hommes expliquent : « nous ne voulons pas uniquement être les meilleurs dans nos domaines respectifs, mais dans tous les domaines ; nous voulons expérimenter à toutes les étapes. » Les domaines dans lesquels ils sont professionnels sont ceux pour lesquels ils travaillent : Daniel Neumanns, le penseur, le concepteur technique, est ingénieur de software chez SES-Astra ; José da Costa, leur mister marketing travaille dans la start-up eschoise SecureWave et Paulo Mira, le directeur artistique du projet, est graphiste de formation et travaille actuellement pour le service Internet de l'imprimerie Kremer-Müller. Dans une première étape, le projet Cornelius est leur occupation de soirée, une professionnalisation serait un rêve à moyen terme qui ne pourra être réalisé que s'il y a une demande commerciale qui rendrait la chose financièrement viable.
À travers Fodes.net, lancé il y a trois mois et visité par une vingtaine d'internautes par jour depuis lors, les trois producteurs peuvent promouvoir leurs oeuvres à eux, mais aussi chercher des contacts avec des créatifs en amont et des diffuseurs en aval, pour créer un réseau de gens créatifs. Et ce non seulement au Luxembourg.
Daniel, José et Paulo accordent beaucoup d'importance à l'aspect social de leur initiative, une première blind date a permis de faire la connaissance de cinq créateurs intéressés par le projet. Pour cela, l'idée fédératrice de Cornelius est celle de la recherche de l'excellence, qui serait avant tout celle des créatifs hors du commun, et ce dans tous les domaines.
« Equipped with natural curiosity, we plan on breaking the code behind the Cornelius Gene, » écrivent-ils sur leur site. Et de continuer : « The Cornelius Gene is the essence of a personality which we name Cornelius. A Cornelius is a normal genius. It's a gifted person which lives among us but whose uniqueness we typically ignore. It's a person which has a perspective on reality which is different from society's mainstream worldview. » Voilà pourquoi un des prochains films en vidéo, le premier documentaire, s'appellera IT Cowboys et dressera le portrait de ces « génies ordinaires » d'Internet.
Pourquoi la vidéo ? « Pour moi, la vidéo est en ce moment le médium le plus puissant et le plus complet, » estime Daniel Neumanns. La façon la plus riche pour s'exprimer dans tous les domaines, pour Paulo Mira. Les images sont captées en vidéo digitale et montées sur un PC, des méthodes de travail légères et désormais accessibles à tous. « Notre concept englobe tout, il doit fonctionner comme un véritable network, » estime José da Costa.
Dans ce sens, une collaboration avec le label indépendant luxembourgeois Own Records vient par exemple d'être entamée, la musique - et le son en général - jouant un rôle important sur les site et dans les films. Le premier teaser, le premier bout de film fut montré la veille du 23 juin, lors de la grande fête sur le plateau du Saint Esprit - de mystérieuses affiches rendaient curieux les jours qui précédaient. Un prochain petit film est en production, Trip, un collage vidéo sera dévoilé lors du festival culturel d'Esch, début septembre.
« Let it flow, let it go, but do it good ! » est le mot d'ordre de Paulo Mira pour résumer ces Good vibrations, version 2001, qui semblent guider leur activité débordante. Et on pense à d'autres créateurs et créatifs qui ont commencé dans l'underground, dans une culture parallèle pour émerger ensuite : Gino Ricca pour son non-X-magazine polycopié qui est devenu culte depuis ; Mike Koedinger, qui, après plusieurs projets au début des années 1990, a réussi à s'établir en tant qu'éditeur, ou, du côté du cinéma, Bady Minck, Dan Wiroth ou les premiers cinéastes amateurs qui ont maintenant leurs propres boîtes de production. Et on se dit qu'on n'a certainement pas fini d'entendre parler du Cornelius Project.