« Jeune, moi ? C’est tout relatif », concède Serge Wilmes en jouant avec le Boxemännchen qui accompagne son grand café au café Knopes à Hollerich, endroit qu’il a proposé pour l’entretien. « En fait, quand je fais visiter le Parlement à des jeunes, ce que je fais assez régulièrement, je leur dis toujours : c’est vous qui êtes vraiment jeunes ! Ils ont alors seize ou 17 ans, et moi, j’ai le double de leur âge ! » Pourtant, sa jeunesse a longtemps été – et reste encore, surtout au sein de son parti, qui a du mal à se renouveler –, le principal argument de Serge Wilmes. Il a rejoint le CSV en 2000, juste avant d’atteindre la majorité, avant même d’entamer ses études d’historien et fut longtemps le président de son organisation de jeunes CSJ. En le rencontrant aux congrès, on voyait depuis longtemps qu’il avait de l’ambition, qu’il n’allait pas lâcher avant d’être ministre. « Oui, j’ai de l’ambition, répond-il avec un sourire. Mais c’est une saine ambition. Si je fais quelque chose, je le fais entièrement. Ceci dit, je ne suis plus aussi contestataire que je l’étais il y a dix ans encore, je me suis assagi. Et j’ai d’autres intérêts, notamment ma famille. » Serge Wilmes a un fils de quinze mois, lui et sa femme, Véronique Picard, en attendent un deuxième pour février – ce sera en pleine campagne électorale. Sur Twitter, il pose fièrement aux côtés de Marc Ruppert, le secrétaire général du DP, avec leurs poussettes le jour du Mantelsonndeg.
Depuis lundi dernier, 24 octobre, depuis que 72 pour cent des membres du CSV Stad ont voté pour lui à la présidence de la section de la capitale, largement avant Maurice Bauer, pourtant conseiller communal, Serge Wilmes est dans tous les médias : RTL, Quotidien, Luxemburger Wort… – pas de doute, la campagne électorale pour les communales de 2017 a commencé. Même si la liste des 27 candidats CSV ne sera arrêtée que d’ici deux ou trois mois, et que donc sa position de tête de liste ne sera confirmée qu’à ce moment-là, il est optimiste, « parce que le président de la CSV Stad était toujours tête de liste ». En 2011, lorsqu’il était la première fois candidat aux communales, le CSV perdait encore une fois un siège, tombant à cinq membres au conseil communal, et Wilmes ne se classa que huitième. La même année, il devient député, suite à la mort de Lucien Thiel, et il est réélu en 2013, avec un bon score, se plaçant devant Diane Adehm, Marcel Oberweis et Marc Lies. Mais même après qu’il ait siégé durant presque cinq ans au Krautmaart, on ne sait toujours pas trop quelle est l’idéologie de Serge Wilmes, où il se place sur le spectre politique, à l’exception de sa volonté acharnée de faire de la politique son métier.
Car, bien qu’il soit historien de formations – aux universités de Luxembourg et de Nancy – et qu’il ait écrit son mémoire de master sur la position de la droite catholique vis-à-vis de l’avortement dans les années 1970, il a, après un an de travail en tant que conservateur aux Archives nationales, tout de suite abandonné son métier pour rejoindre, dès 2008 et sur proposition de Michel Wolter, le secrétariat du groupe parlementaire du CSV. C’est là qu’il apprend le métier : comment lire et analyser un projet de loi ou une actualité politique, comment écrire une question parlementaire ou un discours. Après trois ans, il change de côté.
Au sein du parti, Serge Wilmes aura toujours été parmi les contestataires internes, opposés à l’ancienne garde autour de Jean-Claude Juncker et de François Biltgen. Cette contestation, il l’a articulée par sa fonction au CSJ, qui demanda une meilleur intégration des jeunes, ou en s’alliant avec les sections jeunesses d’autres partis afin de clamer un « refresh democracy » en faveur du droit de vote des citoyens non-Luxembourgeois (Serge Wilmes ne cache pas qu’il a voté oui à cette question au référendum de 2015). Ou en s’associant avec les éternels râleurs du CSV que sont Charel Schmit, Pierre Lorang ou le Dräikinneksgrupp. Toutes ces revendications, y compris celle de Serge Wilmes d’organiser des primaires au sein du CSV pour désigner la tête de liste aux législatives de 2018, ont échoué dans quelque groupe de travail ou analyse interne. Lui ne le prend pas mal, ne se sent pas désavoué : « Aujourd’hui, on ne peut plus dicter la politique d’en haut comme du temps des patriarches. Pour moi, la politique est aussi une confrontation avec des idéaux, ou, comme j’aime à le dire, dans l’idéal, un ‘choc des idées’. Nous avons besoin de plus de débats internes au parti et nous devons permettre davantage de participation… »
Tentative de cerner le personnage Serge Wilmes. Grand, élancé, il porte toujours des costumes très cintrés, style décontracté, souvent sans cravate. Il est habile, smart pour le dire avec le langage moderne, et a beaucoup de facilité à parler, même sans forcément aller en profondeur. Beaucoup le rapproche d’ailleurs du Xavier Bettel jeune. Éternel sourire aux lèvres, avenant, « il a des manières impeccables » s’enthousiasme le Wort, il est du genre à tenir la porte aux dames, type gendre idéal. Enfance de classe moyenne à Merl, père ingénieur aux Cegedel et militant CSV, éducation catholique « contre laquelle je me suis rebellé dans mon adolescence », souligne Serge Wilmes. Il a grandi avec deux frères, dont un est médecin à l’hôpital du Kirchberg et le deuxième travaille au ministère de l’Économie. Aujourd’hui, il se désignerait plutôt comme un libéral aux valeurs catholiques, « mais je ne suis certainement pas du côté conservateur dans mon parti ». Il surprend en votant, avec Diane Adehm, Sylvie Andrich-Duval et Gilles Roth, en faveur de la libéralisation de la législation sur l’avortement proposée par la majorité DP/LSAP/Verts. Mais, malgré sa formation, il n’est pas un grand intellectuel, a peu publié, sinon un abécédaire de vulgarisation de la Chambre des députés lorsqu’il y a fait son entrée, C wéi Crémant – D’Chamber vun A bis Z (Saint Paul, 2013), tâche qu’il continue depuis sur les réseaux sociaux. Dans la rubrique Booklook d’Eldoradio, il recommande Pippi Langstrumpf d’Astrid Lindgren, dans sa traduction luxembourgeoise (Claude Wiseler est plus Petit prince).
Et si le parti, qui regarde toujours les esprits critiques avec un mauvais œil, envoyait aussi Serge Wilmes au casse-pipe en le positionnant dans les starting-blocks pour les communales dans la capitale ? Depuis trente ans, le CSV ne fait que perdre en pouvoir à Luxembourg-Ville, traditionnel haut-lieu libéral : passant de huit sièges en 1987, puis sept en 1993, par six en 1999 (tête de liste : Jacques Santer) et en 2005 (tête de liste : Laurent Mosar) à cinq en 2011 (tête de liste : Martine Mergen) – malgré leur notoriété relative, ces têtes de listes respectives n’ont pas réussi à enrayer le déclin de l’influence du CSV et la montée des Verts. La plus grande chance de Serge Wilmes cette fois n’est ni sa jeunesse, ni sa volonté de renouveler les structures du parti ou de chercher de nouvelles têtes pour signifier que « nous sommes le changement ». Mais, et il en a conscience, la faiblesse des partis de la majorité DP-Verts, dont les candidats historiquement les plus populaires, notamment Xavier Bettel, Lydie Polfer, Paul Helminger, Anne Brasseur, François Bausch ou Viviane Loschetter, ont soit quitté la politique locale en direction du gouvernement, soit abandonné la politique tout court, ou encore commencent à lasser les citoyens par leur longévité au pouvoir.
« On peut dire qu’après douze ans de règne DP-Verts, un cycle touche à sa fin, affirme Serge Wilmes. Aujourd’hui, nous représentons l’alternance, avec un nouveau dynamisme et de nouvelles idées… » Son ambition est de revenir à la majorité, bien qu’il sache que briguer le poste de maire semble un peu illusoire (le DP a aujourd’hui dix mandats et les Verts cinq, sur 27 sièges en tout). « Ce que je sais, dit-il, c’est que nous devons non seulement enrayer le déclin, mais viser de remonter aux urnes. Je voudrais au moins gagner un siège supplémentaire ! » Alors il mise sur l’urbanisme et l’aménagement de la Ville, promet une politique plus proactive du logement, où la Ville pourrait redevenir promoteure d’habitat accessible, parle pistes cyclables et veut rééquilibrer la balance entre habitants de la capitale et ceux qui viennent pour travailler, mais aussi faire participer davantage de non-Luxembourgeois à la politique communale. Et il prend un engagement, un an avant les élections : « Si je suis élu au conseil échevinal à Luxembourg-Ville, et si, un an plus tard, le CSV revient au gouvernement, je resterai dans la commune. Sinon, ce ne serait pas sérieux vis-à-vis des électeurs… » Le dernier qui avait pris cet engagement était Xavier Bettel. Il l’a brisé pour devenir Premier ministre.