Même si ce n’est pas vraiment sa vocation ni son rôle, le Statec, en dressant le bilan 2010 des échanges dans le domaine informatique et de l’information1, ne s’interdit pas de délivrer un satisfecit au gouvernement luxembourgeois pour avoir attiré hier les grands noms du commerce électronique et des technologies de l’information et aujourd’hui séduit les sociétés mêlant l’informatique et l’audiovisuel comme Future Entertainment, une filiale du groupe Virgin. Et, bien qu’il n’appuie pas ses prévisions sur les fondements de la science statistique mais plutôt sur des bases empiriques, le Statec juge improbable, après 2015, date du changement de régime de TVA en Europe2, le départ du Luxembourg des firmes d’e-commerce, dont l’incitant principal à une localisation au grand-duché au début des années 2000 fut sans conteste le taux de TVA réduit (15 pour cent et même un taux super- réduit de trois pour cent pour certains services spécifiques) frappant les transactions en ligne. Ce qui a aussi déclenché l’inimitié des grands partenaires européens, à commencer par la Grande-Bretagne et la France, craignant une fuite massive de leur territoire des prestataires Internet. Un business qui rapporte aux caisses de l’État entre 225 et 285 millions d’euros de TVA par an et qui a créé 585 emplois (chiffre au 1er décembre 2010). Les données restent volontairement dans le vague, officiellement pour préserver l’anonymat des entreprises, garanti par le Statec.
« Il semble peu probable, souligne le Bulletin, que les sociétés implantées au Luxembourg vont quitter le pays ». S’il y a eu, dans le passé, de la part d’acteurs comme AOL (qui a disparu du paysage luxembourgeois de l’e-commerce) ou Amazon des délocalisations en faveur du Luxembourg sans grosse création de valeur pour l’emploi ou la richesse du pays, les choses seraient en train de changer. Les firmes étrangères importent maintenant du « lourd » en développant notamment des plateformes Internet et des activités connexes, difficiles à déplacer d’un coup de clic. Une évolution rendue possible grâce au réseau haut débit de qualité de Luxconnect, mis en place sous l’aiguillon d’un gouvernement qui « a pris sa responsabilité », dixit le Statec. « Les autorités luxembourgeoises, poursuit-il, ont toujours été à la recherche de la simplification des procédures administratives et de la capacité à proposer des solutions flexibles ». Reste encore à ce gouvernement, au-delà de ce coup de pub, de mettre en musique sa stratégie qui permettra de relier de bout en bout tant les entreprises que les foyers privés luxembourgeois à la fibre optique, pour rester à la pointe des attentes des firmes informatiques et du public. Les retards pris par le plan Luxfibre, dont le déploiement confié à l’Entreprise des postes et télécommunications, est actuellement bloqué par l’Institut luxembourgeois de régulation, donnent à voir des autorités tirées à hue et à dia, partagées entre le soutien à une entreprise contrôlée à cent pour cent par l’État et l’encouragement d’un environnement compétitif, ouvert et transparent, servant l’intérêt général et tirant davantage les prix vers le bas.
Les départs en 2009 de deux grands noms des TIC, Sky Broadband et TPH Services (ex-AOL qui fut repris par l’opérateur britannique Carphone Warehouse fin 2006) ont marqué un coup d’arrêt temporaire à la progression de la part de marché des acteurs informatiques dans le total des échanges extérieurs de services (environ 25 pour cent). Du jamais vu depuis 2003, année qui a marqué l’installation des premières firmes de commerce électronique : les exportations ont stagné et les importations ont accusé une baisse de trois pour cent entre 2009 et 2010, alors que le secteur n’a pas été touché par la récession économique. L’impact de ces départs sur les échanges a toutefois été de courte durée : deux trimestres au plus jusqu’à la fin de 2010. Depuis lors, un effet de rattrapage a permis de dépasser le niveau de 2009. En neutralisant l’impact de l’arrêt des activités de TPH et Skype, la balance des paiements technologiques (recherche développement, services de télécommunication, services informatiques et d’information, redevances et droits de licence) a évolué positivement, avec une hausse de 19 pour cent pour les exportations de services et de 25 pour cent pour les importations.
Deux locomotives ont tiré les recettes vers le haut : iTunes, la filiale européenne d’Apple dans le commerce en ligne, qui a vu son chiffre d’affaires progresser de 43 pour cent et de 38 ses charges d’exploitation) et Vodafone, dont le lancement des activités commerciales remonte à l’été 2009.
Les chiffres publiés par le Statec couvrent l’ensemble de la balance des paiements technologiques (BPT) et ne font pas le tri pour déterminer la part revenant aux firmes d’e-commerce : dans l’ensemble, les exportations ont chuté de onze pour cent en 2010 à 3,361 milliards d’euros (dont 2,045 milliards pour les seuls services de télécommunications), tandis que les importations ont limité la baisse à onze pour cent (1,940 milliard d’euros contre 2,27 milliards en 2009). L’essentiel des transactions se fait avec l’Europe, mais les chiffres de 2010 montrent une augmentation de dix pour cent en un an des échanges hors UE, notamment avec les États-Unis. Une évolution que le Statec met principalement sur le compte des activités de la firme Vodafone à partir de sa plateforme grand-ducale, qui cartonne depuis près de deux ans.
Si les chiffres du commerce international en ligne restent volontairement brouillés, ils parlent davantage dans les statistiques officielles lorsqu’il s’agit d’appréhender le volume des transactions courantes liées au commerce électronique transfrontalier des ménages : 240 millions d’euros (dont 58 pour cent liés à l’achat en ligne de services et 38 pour cent à des biens), en hausse de 32 pour cent par rapport à 2009 et une progression de 60 pour cent au premier trimestre 2011 par rapport aux trois premiers mois de 2010. Les trois quarts des achats de services des résidents correspondent à des voyages. Les approvisionnement se font essentiellement auprès d’opérateurs français.