« Nous avons réussi à avoir un très beau clinker ! » Thomas Weckerle esquisse un sourire. « Je suis très content de notre clinker. » Ce détail sur la qualité d’un matériau qui semble si banal pour le néophyte peut tout changer pour l’architecte. Ce beau clinker sert au revêtement de la façade au bâtiment administratif, en construction à Belval, en obtenir un qui ait les caractéristiques esthétiques voulues n’était pas forcément évident dans le contexte d’une con-struction publique, liée à la législation sur les marchés publics, qui sont attribués à l’offre « économiquement la plus favorable ». Que les deux critères, l’économique et l’esthétique, se rencontrent est un de ces petits moments de bonheur qui font le quotidien d’un architecte, loin des prix, que le bureau Bruck [&] Weckerle – fondé en 1993 à Zurich et transféré au Luxembourg en 1997 –, aligne aussi.
Nous sommes voisins. Les bureaux de Françoise Bruck et Thomas Weckerle jouxtent ceux du Land, rue Glesener. Il n’est pas rare de voir une équipe réduite de la quinzaine de collaborateurs sortir de la maison mitoyenne joliment transformée, des maquettes et des plans sous les bras, discutant les derniers détails d’un projet. Leur travail est reconnu au niveau au moins national, sinon international au plus tard depuis la construction des ateliers centraux de l’Administration des ponts et chaussées à Bertrange, commencée en 2001, achevée en 2009 et récompensée, pour la partie stockage du sel, d’un Prix luxembourgeois de l’architecture en 2007. « À l’époque, nous avons fait sensation, parce qu’au Luxembourg, on n’avait pas encore compris que les bâtiments industriels pouvaient être beaux ! » se souvient Françoise Bruck. Après une recherche exhaustive sur les besoins des ouvriers, les fonctions à abriter et des visites d’exemples réussis en Suisse, ils ont développé des ateliers épurés, une architecture faite de transparences et de lumière, où le soleil entre généreusement dans les espaces de travail et qui devient une véritable boîte lumineuse les nuits d’hiver, lorsque les camions doivent enchaîner les allers-retours pour récupérer le sel dans ce nowhere land. « Avec le temps, j’ai appris à les aimer, ces ouvriers qui font un travail très difficile, » dit Thomas Weckerle.
À peu près au même moment, lorsqu’ils travaillaient déjà sur ces ateliers, Bruck [&] Weckerle ont participé au concours pour le premier bâtiment administratif à Belval. Et l’ont gagné en 2004 avec un immeuble comme un diamant, un pentagone distordu qui valorisait ce coin entre la Rockhal, le bâtiment de direction historique de l’Arbed et le projet d’Archives nationales de Paul Bretz. C’était la grande époque du Fonds Belval, où tout semblait possible, où une nouvelle ville devait naître, et rapidement, sur les friches. Puis vint la première crise, le gouvernement freina ses dépenses des quatre fers, le projet fut remis à plus tard – et changea radicalement, tout comme son programme. Suite à la décision d’y installer aussi des laboratoires de l’Administration de l’environnement et de celle de l’eau, suite aussi à l’annulation du projet voisin des Archives, il fallut tout repenser. « Nous ne voulions pas mutiler notre projet, explique Françoise Bruck, et il était impossible de faire entrer toutes ces nouvelles fonctions dans ce bâtiment. Alors nous en avons fait le deuil – et proposé autre chose. » Ce sera un socle avec les ateliers, avec, au-dessus, une tour haute de soixante mètres.
La « patte » Bruck [&] Weckerle, ce pourrait être ce détail significatif, preuve d’un respect absolu pour le patrimoine naturel : le bâtiment contourne deux vieux platanes, qui sont ainsi en plus valorisés. Ils ont traité d’autres arbres avec la même sensibilité, comme pour l’extension d’une école à Howald ou le centre culturel à Bergem. Leur bâtiment provisoire pour l’Athénée de Luxembourg, qui sera prêt pour la rentrée de septembre, prend une forme de fleur pour faire entrer la verdure, ce beau parc du Geesseknäppchen, entre les différentes ailes du bâtiment, qui, lui, sera haut en couleurs grâce à sa façade en fibre de verre.
« Nous parlons la même langue quand nous travaillons ensemble, » estime Thomas Weckerle, ayant tous les deux suivi leurs études à l’ETH à Zurich. Lui est Suisse, elle Luxembourgeoise, ils sont associés le jour et en couple, parents de trois enfants dans le civil. Une autre caractéristique de leur travail : le « scénario fonctionnel » comme il l’appelle : « Nous mettons en scène la fonction ». Ainsi, leur esthétique n’est pas dominante, ne s’impose pas, mais naît de contraintes endogènes au projet, comme le programme architectural, et d’autres, exogènes, comme le contexte. « C’est ainsi que se crée la forme »