Sorti en décembre 2009, en l’espace de quelques semaines seulement, le film évènement Avatar a pulvérisé tous les records du box-office global avec des recettes en salle dépassant largement les 2,7 milliards de dollars. Une majeure partie de ces recettes pharamineuses a été engendrée à travers des copies numériques en relief 3D sur lesquelles les gens se sont rués pour découvrir un univers inédit, imaginé par un iconoclaste génial du nom de James Cameron et créé de toutes pièces dans des ordinateurs programmés par d’autres petits génies informaticiens, pour un budget total que l’on estime généralement aux alentours de 500 millions de dollars.
Outre le fait que cet engouement pour le premier et le seul film à ce jour à utiliser pleinement et intelligemment les ressources du cinéma numérique en relief a évidemment rempli les coffres-forts de ses producteurs, l’effet boule de neige pervers produit par ce raz-de-marée a engendré une véritable course à l’armement des autres studios, petits ou grands, dont les dirigeants semblent voir dans le cinéma en 3D la venue d’un nouveau Messie sauveur qui, à lui tout seul, sortirait le cinéma commercial de la crise créatrice et financière dans laquelle ces mêmes studios l’ont plongé par leur vision des plus étroites de ce qu’ils estiment être le cinéma convenant le mieux aux masses de « cochons payants » que nous sommes.
Du jour au lendemain, tout le monde fait des films en relief. Même ceux qui n’en font pas en font, puisque la maison Disney, par exemple, a lourdement insisté afin que Alice in Wonderland que Tim Burton avait tourné en 2D soit reformaté en 3D, ce qui – malheureusement – est désormais techniquement faisable. Et si la qualité des images (la 3D est nettement plus sombre que la 2D) en a souffert, les recettes au tiroir-caisse ont fini par donner raison aux dirigeants de la « Mouse House », puisque le public a réservé un véritable triomphe aux copies en relief. Même démarche pour le médiocre remake de Clash of the Titans tourné « à plat » et qui, une fois reformaté pour la 3D, a cassé la baraque malgré le fait que l’image dans les salles était tellement sombre qu’on avait l’impression que le réalisateur avait filmé une bande d’afro-américains jouant à cache-cache au fond d’un tunnel.
Il paraît que même les producteurs de films pornographiques ont entre-temps découvert le miracle de la 3D – cela dit, si vous avez vu une éjaculation et une érection en 3D, vous les avez toutes vues. Pour ne pas se faire dépasser par le rouleau compresseur du cinéma en relief, les grands complexes de cinéma sont désormais obligés de remplacer leurs parcs de projecteurs traditionnels par des projecteurs numériques onéreux, seuls capables de reproduire les nouvelles images en relief qu’ils relayent à leurs spectateurs (contre espèces sonnantes) à travers des lunettes qui sont, elles aussi, très onéreuses, peu pratiques et très peu hygiéniques.
Aveuglés par les recettes réalisées par quelques films réussis (outre Avatar, ce sont surtout les films d’animation en 3D qui profitent à fond de la technologie), certains studios ont carrément décrété la mort du cinéma traditionnel et ne veulent désormais que se consacrer à la production de relief. Mais une fois la première vague d’enthousiasme pour les films qui vous sautent à la figure passée, nous sommes certains que le réveil sera très dur pour ceux qui tournent définitivement le dos à un cinéma qui raconte de vraies et belles histoires et qui n’est pas spécifiquement formaté pour nous fourrer le doigt dans l’œil. Et même si Martin Scorsese vient d’annoncer qu’il va tenter l’expérience de la 3D, nous voyons mal un Woody Allen, un Clint Eastwood, un Francis Coppola ou un Michael Haneke suivre le mouvement.
Comme un malheur ne vient jamais seul, ce sont maintenant les industries de la télédiffusion, de la vidéo et du jeu vidéo qui veulent sauter sur le train en marche. À peine les jolis nouveaux téléviseurs en 16/9 HD ready ou Full HD ont-ils commencé à baisser quelque peu leurs prix pour devenir enfin abordables et alors que beaucoup de chaînes ne sont même pas encore passées au « widescreen 16/9 », voilà qu’on nous incite déjà à les remplacer par de nouveaux téléviseurs 3D ready, dont les premiers modèles (disponibles prochainement) coûteront, qui en aurait douté, la peau des fesses. En ces temps de crise, il faut bien évidemment faire mousser l’économie de l’image et de sa diffusion, mais ne serait-il pas plus raisonnable d’attendre un peu pour voir où tout cela nous mènera, sinon droit dans le mur ? Au cinéma, grâce à la taille gigantesque des écrans, une immersion totale dans l’univers 3D est possible, mais que voulez-vous qu’un téléviseur de taille courante (disons de 107 ou 127 centimètres) vous procure comme sensations fortes en relief, à moins que le fait de voir Caroline Mart vous sauter à la figure ne vous procure un plaisir viscéral ?
Car figurez-vous que ni vos téléviseurs, ni vos ordinateurs personnels, ni vos vidéoprojecteurs, ni vos platines DVD, ni vos lecteurs BluRay actuels sont compatibles avec la nouvelle technologie en relief, sans oublier que, chez vous à la maison, vous devrez aussi visser ces lunettes ridicules sur le bout de votre nez afin de suivre un quelconque match de football en 3D sur un écran de la taille d’un timbre-poste. Car si l’industrie de la reproduction des images est fin prête à vous soutirer votre argent pour de nouveaux téléviseurs et de nouveaux lecteurs, l’industrie des programmes n’aura, dans un premier temps tout au moins, très peu de choses à vous mettre sous la dent. Vouloir enterrer le DVD et le BluRay avant que ce dernier commence même à se généraliser est un pas que ce cinéphile n’est pas prêt à franchir.
Dans ce merveilleux monde des images où tout semble changer et rechanger tous les deux ans, la seule valeur actuellement sûre pour le cinéphile (outre la projection sur grand écran en salle qui restera irremplaçable), est celle du DVD et du BluRay, dont les éditeurs courageux et aventuriers continuent de produire des copies tout à fait merveilleuses d’œuvres incontournables de l’histoire du septième art, tout en se battant contre l’indifférence glaciale et l’énergie criminelle de ceux qui piratent les films sur Internet et qui semblent se satisfaire de copies odieuses, souvent filmées caméra à la main dans les salles obscures. Oui, il existe même des soi-disant critiques de cinéma qui basent leurs appréciations sur ces merdes piratées sur Internet. Un à-côté des plus positifs des nouvelles technologies numériques dans la reproduction et la diffusion des images est celle qui permet de « nettoyer » digitalement les copies de vieux films et de les projeter à nouveau sur les écrans géants des salles, avant d’utiliser ces mêmes « masters » pour préparer les éditions DVD ou BluRay dans les meilleures conditions possibles.
Au Luxembourg, la télédiffusion par câble haut débit est en train de se mettre (enfin) au diapason de la qualité numérique. Que ce soit chez Numéricable, chez Imagin ou à la télé de la Poste, tout ce beau monde s’affaire actuellement à nous faire découvrir de plus en plus de programmes en résolution numérique, avec même par-ci par-là, quelques chaînes en haute définition (ARD HD, ZDF HD, Arte HD, France 2 HD, Sky Sport HD, Sky Movies HD, National Geographic HD, Discovery Channel) qui pointent le bout de leur nez. Mais notre pays est tellement minuscule que ses habitants sont considérés comme quantité totalement négligeable dans le vaste univers de l’audiovisuel. C’est pour cela que la plupart des chaînes payantes diffusant des films à longueur de journée et de nuit ne sont pas accessibles pour nous autres Luxembourgeois (même contre espèces sonnantes), les droits audiovisuels négociés par ces diffuseurs qui sont tous situés dans les pays voisins étant rarement pris en considération pour notre pays. Aussi, même si vous êtes abonnés à Sky Movies à travers votre câblo-opérateur, votre écran restera parfois noir lorsque cette chaîne diffuse un film (récemment Twilight 2 par exemple) dont la chaîne ne dispose pas des droits de diffusion pour le Luxembourg.
Ce même principe, mais en pire, concerne le Luxembourg lorsqu’il s’agit de visionner légalement (!) des films en « video on demand » sur votre ordinateur. Des diffuseurs VOD existent déjà par dizaines dans nos pays limitrophes, mais à chaque fois que vous voulez regarder un film sur ces chaînes, votre serveur vous indique que ce service n’est pas disponible pour le grand-duché pour des questions de droits audiovisuels, ces droits étant négociés pays par pays par les producteurs de films pour qui, de nouveau, notre pays ne semble pas exister. Et si les droits des films qui passent dans nos salles de cinéma sont normalement acquis par des distributeurs belges, ce ne sont pas nécessairement les mêmes qui achètent les droits de diffusion en vidéo, en DVD ou en VOD, donc les Luxos ne pourront les voir ou les télécharger légalement.
Et si aux USA et dans quelques pays européens, la société Apple propose déjà le téléchargement de films pour votre iPod ou, demain, pour votre iPad, le client luxembourgeois sera de nouveau débouté pour cette question de droits. iTunes a beau posséder une plateforme luxembourgeoise proposant le téléchargement payant de musiques, mais il serait assez surprenant de voir apparaître rapidement une plateforme similaire permettant de télécharger des films ou des sériés. Le saucissonnage des droits audiovisuels européens pays par pays n’a pas fini de faire chier les cinéphiles luxembourgeois.
Aussi, pour clôturer ce tour d’horizon des différents moyens de diffusion des images dans notre pays, le conseil que l’auteur de ces lignes qui est cinéphile dans l’âme peut vous donner, est celui-ci : Voyez d’abord un maximum de films sur grand écran au cinéma, même à neuf euros par billet, c’est encore le spectacle le moins cher qui soit. Si vous ne voulez pas vous déplacer, procurez-vous un bon téléviseur HD dont les prix sont actuellement en chute libre, branchez-y un lecteur BluRay (qui, soit dit en passant, lit également les DVD normaux en haute résolution), oubliez la folie passagère du 3D et éclatez-vous avec vos films favoris et Caroline Mart en 2D.
Si, par bonheur, vous disposez chez vous d’un bel espace vide de quatre à cinq mètres de profondeur avec un beau mur dégagé, procurez-vous un projecteur DLP ou LCD compatible HD (ils sont souvent moins chers que les téléviseurs), branchez votre lecteur BluRay (certains modèles de base sont désormais disponibles à moins de 100 euros) sur un ampli de bonne qualité et régalez vous avec vos programmes favoris sur un écran qui peut atteindre, voire dépasser trois mètres de base. Si le cœur vous en dit, vous pourrez même brancher votre câble de télévision sur ces projecteurs et faire exploser le toit de votre maison (et les tympans de vos voisins) au son des Formules 1 ou faire enrager votre meilleure moitié en regardant la totalité des 64 jeux de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud en continu. Et si vous glissez le BluRay d’Avatar dans votre platine, la qualité des images de cette histoire fascinante imaginée par James Cameron vous fera rapidement oublier que le film a initialement été conçu pour la 3D sur grand écran. Et le monde d’images nouvelles qui s’ouvrira à vous sera fabuleux.