Les lieux ne pourraient pas être plus différenciés. La galerie, au nom fictif et étrange d’Octave Cowbell, premier bruit qui résonne à nos oreilles, est située rue des Parmentiers à Metz, faite d’une seule pièce, pas très grande, et vous y entrez, montant quelques marches, par la fenêtre. L’autre lieu, un grand vide, mais une fois le porche de l’Église des Trinitaires franchi, c’est une beauté divine, pas étonnant par l’endroit. Des murs écorchés, avec des restes de couleurs, des vitraux qui laissent entrer une lumière filtrée qui se pose sur les dalles. Doris Drescher a investi les deux lieux, elle l’a fait à sa manière, en a pris douce possession. Et d’un coup, avec le pépiement (enregistré) d’oiseaux, il s’élève à nos yeux aussi un autre chant. Sur l’un des dessins, de fins traits y sont toujours accompagnés de textes, l’artiste fait la remarque que les oiseaux la consolent ; c’est qu’ils se racontent des histoires jamais entendues. De la même façon, disons qu’elle-même ne nous console pas moins.
Pour rester dans les animaux, vous y connaîtrez Matteo, son chat, on est vite rassuré, lui laissera les oiseaux tranquilles. Et puis il y a les araignées, sans doute l’animal tutélaire de Doris Drescher, de son art. Sa manière est apparentée, des traits qui tissent avec la même finesse, et la feuille blanche, c’est à peine qu’elle en vibre. Des objets sont esquissés, vous devinerez un piano par exemple, une silhouette devant s’apprête peut-être à faire quelques pas de danse. Voilà encore une robe, qu’on retrouvera étalée dans le chœur de l’église, et sur les dessins, quelques rares taches rouges ou jaunes.
Le dessin, pour Doris Drescher, c’est tout autant ce qui est laissé de côté ; ce qui est évoqué, et ce qui pourrait venir combler le vide. Affaire de mémoire, de remémoration. Et dans pareille perspective, c’est de mise en ordre, des choses de la vie, en toute délicatesse, qu’il s’agit. De mosaïque, ou de puzzle, à moins qu’il ne faille laisser les bribes, les fragments tels quels.
Dans l’espace de l’Église des Trinitaires, pour de bon tels objets se trouvent éparpillés tout le long ; la nef elle-même est marquée, très régulièrement, on dirait un échiquier, de parterres de sable blanc. C’est qu’une même partie s’y joue, juste avec un peu plus d’ampleur. Les choses de la vie toujours, une existence à (re)prendre en main. L’invitation aux deux expositions disait d’apporter une photo au vernissage… quand tu étais petit.
Il est une part d’enfance dans l’art de Doris Drescher. Justement cette part dont on regrette autrement qu’elle ait été perdue. Il arrive à des artistes de la retrouver, de la recréer. Doris Drescher, pour un bonheur partagé, a su la préserver. C’est avec cette part, d’aucuns diront la meilleure en nous, qu’elle aborde la feuille blanche, qu’elle a investi les deux lieux messins. Elle est une artiste minimaliste, pour un maximum de poésie.