Au terme de débats houleux, le Parlement européen a voté le 19 avril en faveur d’un accord Union européenne-États-Unis sur le transfert des données des passagers européens (PNR), qui voyagent aux USA ou les survolent. Les députés ainsi ont donné leur feu vert par 409 voix pour, 226 contre et 33 abstentions à cet accord négocié par la Commission en vue d’encadrer avec une plus grande sécurité juridique l’envoi d’information sur ces passagers vers les États-Unis. Il s’agit de données commerciales fournies par les voyageurs eux-mêmes aux transporteurs aériens : nom et coordonnées, dates et itinéraire, numéro de la carte de crédit, informations sur les bagages, sur les menus, etc. Des informations cruciales pour les USA dans la lutte contre le terrorisme, qui après les attentats du 11 septembre 2001, ont imposé aux compagnies aériennes l’obligation de transmettre ces données au ministère de la Sécurité intérieure et aux agences de renseignements. Avec en cas de refus, le risque est l‘amende ou l’interdiction d’atterrissage. Ce qui a fait grincer des dents les Européens et, au premier rang les eurodéputés, qui ont mis en exergue l’absence de protection de la vie privée des passagers et les dérives possibles d’une utilisation de ces informations en contradiction avec le droit européen plus protecteur en la matière que le droit américain.
Aussi, leur attitude en faveur de ce nouvel accord peut-elle paraitre paradoxale, car ce sont eux qui, en 2004, ont obtenu de la Cour de justice de l’UE l’annulation du premier accord PNR, qu’ils considéraient contraire au droit communautaire en matière de la protection des données. Ils ont a réitéré leur opposition à une autre mouture du texte négocié en 2007 et, en mai 2010, ils ont bloqué sa ratification dès qu’ils ont obtenu – avec le traité de Lisbonne – un droit de veto sur les accords internationaux, en exigeant des garanties supplémentaires.
Il semble cependant que la majorité des parlementaires – essentiellement du groupe PPE – ait estimé que le nouvel accord instaure les gardes fous requis, se ralliant à la position de la Commission pour laquelle il « constitue une réelle amélioration en termes de clarté, d’assise juridique et de protection des droits et de la sécurité des passagers ». Ou bien ont-ils considéré que, sans celui-ci, la situation aurait été pire, puisque les données auraient continué à être collectées, mais hors de tout cadre juridique, ce qui aurait limité les possibilités pour les Européens d’en contrôler l’utilisation.
La nouvelle mouture dispose que les autorités américaines peuvent conserver 19 de ces informations sur les passagers pendant cinq ans dans une base de données active. Elles devront être rendues anonymes au bout de six mois, les noms n’étant alors accessibles que dans des cas limités. Elles seront ensuite transférées dans une « base de données passive », qui ne sera consultable qu’à des conditions très strictes pendant dix ans maximum, avant d‘être « dépersonnalisées ». Les informations sensibles, comme l’origine ethnique ou la religion, ne pourront être utilisées que lorsque la vie d’une personne est en danger. Les possibilités de recours administratif ou judiciaire des passagers européens en cas d’usage abusif sont par ailleurs clarifiées, ainsi que les possibilités d’accès à leurs propres données PNR et de demande de rectification éventuelles.
Le député luxembourgeois (CSV), Frank Engel s’est distingué de son groupe (PPE) en refusant de voter en faveur de « cet accord qui ne sera pas ratifié par le Sénat et ne peut créer de droits au profit d’une personne. Les États-Unis ne sont donc aucunement contraints d´appliquer les soi-disant garanties au bénéfice des passagers européens que contient l´accord, s´ils jugent que leur droit interne s´y oppose.» Pour sa collègue néerlandaise du groupe libéral, Sophia In ‘t Veld, rapporteure d’une résolution appelant à s’opposer au texte, « l’accord n’est pas en conformité avec la législation européenne, déplorant que les considérations politiques et diplomatiques l’aient emporté sur le droits de citoyens européens.» Elle a dénoncé entre autres pressions la menace des États-Unis de mettre fin à la dispense de visas octroyée aux citoyens de la plupart des pays de l’UE pour voyager sur leur territoire et mis en garde contre l’utilisation des données à d’autres fins comme la lutte contre l’immigration illégale. Pour les verts, à l’instar de Jan Philipp Albrecht, cet accord acte « le renforcement d’une surveillance intrusive à la Big Brother ». Les députés de la gauche radicale, eux aussi contre l‘accord, vont proposer un nouveau recours contre l’accord devant la Cour de justice.