Trois agents secrets, un juif, un musulman et un chrétien, se retrouvent autour du comptoir d’un bar à Jérusalem et essaient de trouver une belle vierge qui serait prête à devenir une martyre afin de faire exploser le mur des lamentations. Si les finalités sont les mêmes, les raisons qui les poussent à cet acte diffèrent : le juif veut faire exploser son mur de lamentations par une vierge musulmane pour avoir une raison médiatique qui lui permettrait de déclencher la troisième Guerre Mondiale avec ses alliés puissants et en finir ainsi avec les arabes tout court. Le musulman considère l’explosion comme la grande occasion pour expulser les juifs définitivement de leurs terres. Et le chrétien, tantôt caché sous les traits d’un musulman, tantôt revêtant l’habit juif, est plus préoccupé à rendre la virginité à la beauté musulmane, qui s’est fait violer brièvement par le juif du trio, en couchant avec elle et en lui enlevant par ce moyen le sperme maléfique juif qui la condamnerait à une expulsion de leur communauté... À la fin, il revient à la raison primaire du recrutement de Fatima, à savoir celle de faire d’elle une martyre. Après avoir goûté aux belles choses de la vie, Fatima désire en contrepartie que 72 Adonis avec de grands et longs pénis l’attendent dans l’au-delà, et téléphone à son frère, qui s’est déjà bombardé au paradis chez ses vierges, pour lui demander de lui réserver une chambre.
Que le public rie des innombrables quiproquos liés aux fausses identités des trois agents, qui se soldent neuf fois sur dix par une blague visant à tourner en dérision la religion ou la politique en les infusant d’une bonne dose de sexualité, il en va de soi. Que la pièce ait pu être mal interprétée par les religions désignées, cela est compréhensible, même si difficilement imaginable pour quelqu’un qui n’a pas le poids de leur passé. Cela fait dix ans que The Last Virgin est joué aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Son auteur, Tuvia Tenenbom, fondateur et directeur du Jewish Theater of New York, après avoir été chauffeur de taxi, banquier, et au tout début de sa vie, juif né dans la partie orthodoxe de Jérusalem, n’arrête pas de se réjouir des ravages que sa pièce fait. Car The Last Virgin est une satire incendiaire sur le fanatisme, la politique et la folie du conflit israélo-palestinien, où tout le monde passe à la trappe. En poussant la parodie et l’exagération au bout, Tenenbom confirme son image de provocateur qui ne s’arrête devant aucun tabou. Mais le risque de toute satire est de tomber dans la caricature et dans les stéréotypes, qui, rapidement assimilés parce qu’ils se résument en une image claire et distincte, n’arrivent pas à dépasser la surface d’une problématique. Et pour tous les spectateurs dans le public, qui ne sont ni juifs, ni chrétiens, ni musulmans, la valeur artistique et universelle de la pièce demeure malheureusement limitée.
La mise en scène d’Anne Simon s’articule autour d’un décor grandiloquent signé Lisa Überbacher. Par le décor scénique, allusion est faite à un des pivots du conflit au Moyen-Orient, qui est la guerre de l’eau, les Palestiniens accusant les Israéliens de les priver de ressources d’eau nécessaires et de détruire leurs puits, les derniers accusant les premiers de gaspiller la ressource et de refuser le recyclage des eaux usées. Des murs de palettes de bouteilles en plastique superposés tombent au début de la pièce pour dévoiler un deuxième mur de bonbonnes d’eau, tombant à son tour pour révéler un dernier mur, plus résistant que les deux premiers, composé de containers d’eau géants, qui fait référence au mur de lamentations, le macguffin de la pièce. Les trois acteurs, Marc Welsh, Raoul Schlechter et Arash H. Marandi, chassent la charmante vierge incarnée par Leila Anaïs Schaus, s’ils ne sont pas en train de se cacher eux-mêmes derrière l’un des murs pour faire aboutir leurs manigances. Jouer en anglais avec un accent juif puis un accent arabe alors qu’on est luxembourgeois ou allemand est un défi difficile auquel a dû se mesurer l’ensemble des comédiens. Si Raoul Schlechter a excellé dans son rôle de juif orthodoxe, Leila Schaus a su convaincre dans ces scènes d’ébats avec Marc Welsh. Par moments, des problèmes de compréhension ont pu empêcher l’une ou l’autre pointe des mille et une blagues récitées et des longueurs se sont faites sentir, ce qui est le résultat d’un texte répétitif et grattant à la surface, alors que son sujet vise une des problématiques irrésolues les plus intéressantes de notre époque.