Peu importe qu’il fasse moche, qu’on ait juste envie de se barrer en courant ces temps-ci (à cause de la météo exécrable) : à partir du 6 juin et pendant neuf jours, il y aura de l’audace, de la passion et de la réflexion sur scène, un d’ici et d’ailleurs, un entre nous. Il y aura la fête et elle construira un public déjà bien présent et averti, car les festivals c’est exactement ça. Notons donc, le Fundamental Monodrama Festival. Et ceux qui prétendent qu’on s’ennuie dans notre petit pays tout bien bétonné, qu’ils se détrompent, il y a des endroits et des moments où tout s’enflamme, où tout prend un sens, où on voit des gens qui travaillent, créent des choses pour les montrer à d’autres – ils traiteront des textes, des thèmes, ils les accentueront, ils interprèteront la réalité, de leur point de vue, ils élucideront beaucoup de choses. Et à travers les arts vivants de la scène, ils créeront ensemble avec le public ce que Romeo Castellucci appelle la communauté, forte, libre et lucide – fondamental, en soi.
Tout comme le Discovery Zone pour les films ambitieux ou Danz Festival pour la danse contemporaine, le paysage culturel luxembourgeois devra s’habituer dorénavant au Fundamental Monodrama Festival, lancé il y a quatre ans par Steve Karier, dont le goût du risque et la passion du théâtre et celle de sa diffusion a contaminé une grande partie de la communauté de théâtreux d’ici et d’ailleurs, mais aussi d’institutions diverses et variées, notamment les ministère des Affaires étrangères qui soutient certaines des créations. Créer un festival de théâtre de petit format scénique a été une idée audacieuse et un point de départ très précis et non prétentieux. Un tel cadre permet une vision kaléidoscopique de ce qui se trame d’un point de vue performance scénique, actuellement un peu partout dans le monde. Cette année, le festival accueillera les propositions sur deux lieux, d’une part à la Banannefabrik à Bonnevoie et d’autre part au Kulturhaus Niederanven. Il y aura douze spectacles, dont cinq créations, une table ronde autour du rôle que joue le soliloque dans les cultures africaines, une exposition photographique autour des grimaces, qui sera montée par Remera, artiste rwandais – elle retracera plutôt l’ambiance du festival et grandira avec celui-ci. Il y aura aussi un stage pour acteurs avec Lena Lessing – qui coache entre autres Michael Fassbender et Cate Blanchett, pour ne citer qu’eux – et qui permettra aux participants de s’approprier au mieux la scène.
La programmation du festival est courageuse car elle propose des spectacles incisifs, qui permettent de réaliser qu’il n’y a pas que nous – elle permet de faire rencontrer d’autres formes, mais aussi, tout simplement d’autres cultures. L’accent ici est mis sur une collaboration avec des artistes contemporains, metteurs en scène, dramaturges et acteurs, issus de différents pays (treize au total), mais africains pour la plupart, des populations qui excellent dans l’art de conter les drames de la vie, les adaptant au monde contemporain, car il n’est pas question de proposer juste des animations folkloriques, mais de toute évidence, de véritables propositions de monodrames contemporains.
Ainsi, le public d’ici pourra se confronter à la performance d’un artiste seul sur scène et sera sans doute plus d’une fois percuté, ému. Notamment par l’un des spectacles qui ouvrira le festival, Occupant, une création israélo-américaine, chorégraphique de Jonah Bokaer, avec Tal Adler-Arieli ou encore par L’homme aux six noms de et avec Lassine Coulibaly « King », un spectacle musical qui mélange souvenirs autobiographiques et chansons rap. Le spectacle belge Good Mourning de et avec Florence Minder, dont le visage permet une affiche du festival, accrocheuse et intrigante à la fois qui annonce un spectacle unique, cynique et explosif, un stand-up « délocalisé » où la version américaine de l’interprète servira comme porte-parole à son être francophone dépressif, comme l’annonce-même du spectacle le met en exergue. Des sujets qui tournent autour de l’homme et de ses états d’âmes, mais aussi autour de sa réception de l’actualité. Le 15 juin, les spectateurs luxembourgophones auront droit à une création très particulière, courageuse et en même temps nécessaire, s’inscrivant ainsi dans une recherche de compréhension de l’actualité nationale, redondante et assez mystérieuse. M. de Josée Hansen et Romain Hilgert sera une lecture scénique par Steve Karier de ce qui peut être qualifié de théâtre documentaire sur le pouvoir et la méfiance, un texte qui s’appuie sur un entretien réel.
Chaque jour, le public aura droit à sa propre performance scénique monodramatique – il y aura des créations de théâtre ou de danse, comme Warrior of Beauty II de et avec Sylvia Camarda (7 juin) ou des reprises qui ont prouvé leur intelligence et leur efficacité, comme Les règles du savoir vivre dans la société moderne de Jérôme Lagarce, mis en scène par Jérôme Konen et interprété par Valérie Bodson (14 juin).
Mais ce qui est nouveau par rapport aux éditions précédentes, notamment celle de 2012, le festival démarrera au Kulturhaus Niederanven avec le Minimono, un festival dans le festival, dédié au jeune public et qui se tiendra du 6 au 9 juin, en parallèle, avec trois petites formes : Hans im Glück de et avec Maria Neumann, en langue allemande et à partir de cinq ans, Molly Whuppie & Co des histoires amusantes et effrayantes de et avec Suse Wiese, en langue allemande et à partir de huitans et De Wurmi Krummwurms an aner Geschichten, en langue luxembourgeoise de et avec Dan Tanson, spectacle agrémenté de clarinette, de klezmer et d’une bonne dose d’humour juif.