Au Luxembourg, on attend l’ouverture du Centre Pompidou Metz (CPM) avec un œil qui rit et un œil qui pleure. Enthousiasme d’abord, car la proximité d’une structure de cette envergure créera forcément une certaine émulation et des possibilités de collaboration intéressantes (prêts d’œuvres dans les deux sens, coproduction d’une exposition avec deux commandes parallèles à Daniel Buren en automne...). En outre, le Centre Pompidou Metz contribuera à créer un véritable pôle d’attraction touristique dans la grande région. Mais en même temps, le Casino, la Villa Vauban et surtout le Mudam craignent aussi, sans l’articuler, un rapport de force inégal : si, avec 4 500 mètres carrés de surfaces d’exposition dans le bâtiment de IM Pei et 5 000 mètres carrés dans celui de Shigeru Ban et Jean de Gastines, les deux institutions semblent comparables de par leur volume, les moyens mis en œuvre ne le sont pas.
Comme si souvent, le Luxembourg a misé davantage sur le conte-nant que sur le contenu, avec une construction plus luxueuse, cela on le savait : 88 millions d’euros pour 10 000 mètres carrés de surface en tout ; le CPM a construit presque la même surface pour 18 millions d’euros de moins. Mais Mudam, géré par une fondation de droit privé, reçoit cette année une dotation budgétaire de 6,6 millions d’euros, qui est presque entièrement utilisée pour les frais de fonctionnement (les frais du bâtiment avaient été largement sous-estimés) ; le musée doit trouver la majeure partie des financements de son programme artistique auprès de mécènes et de sponsors, en peau de chagrin actuellement. Le Centre Pompidou Metz par contre, géré par un établissement public de coopération culturelle, se voit garantir un budget annuel de dix millions d’euros par Metz Métropole, la Région Lorraine et la Ville de Metz et doit trouver un million d’euros, soit un dixième, en autofinancement. Un tiers des dix millions est dévolu à la programmation.
Le Mudam compte une cinquantaine d’employés tout compris, alors que le CPM aura une équipe administrative de cinquante personnes, à laquelle s’ajoute le personnel de sécurité et de surveillance. Le musée luxembourgeois compte aujourd’hui 420 œuvres, alors que le CPM peut puiser, pour faire ses expositions, dans le stock de près de 65 000 pièces du Centre Pompidou Paris... Durant sa meilleure année, 2007 (peu après l’ouverture, avec plusieurs grandes expositions phares comme la rétrospective Michel Majerus, Tomorrow now ! et les photos couleur d’Edward Steichen), le Mudam a attiré 88 000 visiteurs ; le CPM s’est vu poser comme objectif d’atteindre les 200 000 visiteurs durant une année normale – c’est énorme !
Voilà pour les chiffres, mais il y a aussi des comparaisons plus formelles ou esthétiques : alors que le Mudam, dans un bâtiment moderniste, développe une approche très contemporaine, presque de laboratoire, le Centre Pompidou Metz s’installe dans un bâtiment extrêmement contemporain, pour montrer essentiellement des œuvres modernes, tout le XXe siècle en gros, avec des prolongements jusqu’à nos jours, certes, mais qui seront toujours basés sur la collection exhaustive de la grande sœur parisienne – Braque, Léger, Matisse, Picasso et Brancusi y seront dès l’exposition inaugurale, Chefs d’œuvre ? En fait, ironie de l’histoire, Metz montrera ce que Luxembourg aurait voulu avoir chez soi, sans se donner les moyens de l’acquérir...