On se souvenait avoir vu Pascal Vilcollet dans trois expositions de groupe de la galerie Reuter-Bausch, une chaque année depuis l’ouverture. Valentin van der Meulen avait lui déjà bénéficié d’une exposition monographique en octobre 2022. Vilcollet et van der Meulen reviennent cette fois rue Notre-Dame pour un show en duo.
La raison en est toute simple : les deux artistes partagent le même atelier depuis dix ans. Sur les murs de la galerie, on retrouve ce dialogue dans la différence d’expression des deux artistes, dans l’alternance systématique des tableaux dont la plupart sont des grands formats.
L’exposition Classique barré (le titre un jeu typographique du mot biffé d’un trait) réunit les compositions florales de Pascal Vilcollet et des nuages de Valentin van der Meulen. Le trait se rapporte plutôt à des exercices de ratures dans les cahiers d’esquisses de van der Meulen. Il l’utilise ici pour barrer, ou annuler, ce que l’on pourrait croire être des nuages classiques.
Classiques, ils ne le sont pas, bien que réalisés d’après des photos réalistes. Valentin van der Meulen superpose des couches et des couches de poudre de fusain, du fusain et de la pierre noire sur papier marouflé sur bois. Une technique qu’il manie avec un talent hors norme, écrivions-nous déjà en 2022 au sujet d’un triptyque : le reflet du soleil sur la mer. Son titre, Image / objet – objet / image, décrit bien l’utilisation de l’image comme objet de la peinture.
On n’a pas demandé à Valentin van der Meulen s’il connaissait le philosophe Paul Virilio (1932-2018), dont un des thèmes de travail est la catastrophe, mais les nuages de van der Meulen ont rapport à cela : l’avant ou l’après tempête dévastatrice, le nuage provoqué par l’explosion de la fusée Challenger. Ses ratures à la peinture à l’huile sont pour l’œil du spectateur, que cela le perturbe ou non, l’objet accidenté, qui vient rappeler à la réalité tandis qu’on pourrait se mettre à rêvasser à la belle image devant quelque cumulonimbus...
Sous Classique barré, il n’est cependant pas interdit d’y penser, puisqu’elle fait partie de l’histoire de l’art, cette idylle si souvent peinte aux siècles précédents, essentiellement dans des marines. Pascal Vilcollet dit sentir le besoin de revenir de manière cyclique à sa formation classique. Ses immenses bouquets (huile, acrylique, pastel sur toile), aux roses, tulipes, œillets et pivoines peints dans les tons luxuriants que leur a donnés la nature, éclaboussent de couleurs des compositions « comme on en faisait essentiellement au 18e siècle. Jusqu’à devenir des compositions très lourdes, chargées à l’excès et du coup mal aimées », explique-il.
Lui aussi superpose des esquisses plus abstraites, à la texture épaisse (à l’huile), au minutieux travail détaillé. On observe aussi des esquisses plus fines (au pastel) comme des « regrets » derrière les bouquets opulents. Le fond est d’un bleu claquant, totalement hors d’usage à l’époque classique et des violets font penser à la décomposition prochaine des vivaces : ne sont-ce pas des natures mortes ? Valentin van der Meulen, son duettiste (ou duelliste ?) le coupe : « C’est beaucoup plus provoquant que de faire littéralement allusion au mal-être ambiant ». Affirmation ? Non. Question ouverte ? Certainement. Le travail pictural de Vilcollet et de van der Meulen est bien une réflexion contemporaine, Classique barré une exposition sur l’au-delà de la réalité de l’aspect physique de l’image.