Depuis la fin de l’an dernier, une start-up propose un service original qui va sans doute bouleverser les fronts sur le marché très concurrentiel de la location de films en ligne. Zediva propose la location de longs métrages en streaming sur Internet pour deux dollars, en incluant dans son catalogue des titres récents – jusqu’à un mois plus tôt que ne le font Amazon, Netflix ou I-Tunes.
S’agit-il d’une émanation de la scène effervescente du peer-to-peer essayant de créer une activité légitime, mais appelée à succomber au tribunal sous les coups de boutoir des avocats des grands studios ? Que nenni : a priori le modèle de Zediva est astucieux mais parfaitement légal. La société achète des DVD en grandes quantités et possède une multitude de lecteurs de DVD. Lorsqu’un internaute souscrit au service et commande un film, plutôt qu’un fichier digital, c’est un disque, une copie physique du film donc, qui est insérée dans un lecteur. Le signal est diffusé en streaming et affiché dans un navigateur dans une fenêtre Flash. L’internaute se sert de son ordinateur comme d’une télécommande pour le lecteur de DVD ; il essaie tant bien que mal, comme s’il était chez lui, de sauter les avertissements anti-piratage et les séquences promotionnelles pour d’autres films du catalogue que les confectionneurs de DVD intègrent à leurs produits en essayant de rendre leur visionnage obligatoire. Une fois qu’il a commencé à visionner un film, l’utilisateur peut s’interrompre : il a deux semaines pour le voir jusqu’au bout, et durant cette période il peut se le projeter autant qu’il veut – pour peu qu’un DVD soit disponible chez Zediva. Car c’est là une des caractéristiques du service : il faut choisir en fonction du catalogue et de la disponibilités de copies physiques du film chez Zediva. Lorsque l’internaute reprend un film en cours de route, il va, comme s’il était chez lui avec un DVD loué pour un ou deux jours au coin de la rue, utiliser le chapitrage du DVD pour retrouver le passage où il s’était interrompu. Autre caractéristique : il peut utiliser n’importe quel terminal à sa disposition, y compris un téléphone portable.
Le schéma semble inattaquable puisque Zediva est le propriétaire légitime de chaque copie de film qu’il projette. Aucun besoin donc de passer d’accord avec les studios et les distributeurs, qui imposent aux loueurs en ligne de la place, Netflix et autres Amazon, de se plier à leurs exigences et en particulier de retarder d’un mois l’inclusion dans leurs catalogues respectifs des films récents après leur sortie en DVD.
À première vue, c’est un succès – au point que cette semaine, lorsque Zediva est sorti de sa phase beta commencée en novembre dernier, l’afflux a été tel que la société a dû interrompre son service et afficher sur son site, www.zediva.com, un message d’erreur pointant vers son clip promotionnel sur You Tube. Un clip en forme de clin d’œil, réalisé sans grands moyens mais ciblant parfaitement le public de cinéphiles susceptibles de s’intéresser à ce service : un dialogue glamour entre deux croissants installés sur une table de petit déjeuner, se contant fleurette et vantant, en anglais avec un accent français, les mérites du service et sa promesse, « new movies now ». Peu après, le message d’erreur a été remplacé par une page annonçant qu’une interruption temporaire des inscriptions et invitant les internautes intéressés à s’enregistrer sur une liste d’attente.
Le fondateur de Zediva, Venky Srinivasan, explique qu’il a lancé cette entreprise il y a deux ans après avoir constaté qu’il était lui-même frustré de ne pas pouvoir louer sur Internet de films récents. La start-up emploie cinq personnes. Le modèle d’affaires est simple : après avoir déboursé 25 dollars pour acheter un DVD, et en comptant les frais de bande passante, Zediva commence à réaliser un bénéfice une fois qu’il a été loué treize fois.