Une nouvelle forme juridique a été proposée par la Commission pour abolir les obstacles transfrontaliers que rencontrent les fondations d’utilité publique dans l’UE. Elle a lancé, le 8 février, une proposition de règlement instituant le statut de la Fondation européenne (FE) pour les fondations poursuivant un objectif d’utilité publique (le seul type de fondation reconnu dans chaque État membre), statut qui coexistera parallèlement aux fondations de droit national. Le texte devra être adopté par le Conseil statuant à l’unanimité, après simple consultation du Parlement européen. Ce dernier a réclamé dans plusieurs résolutions (en 2006, 2009 et 2011) un cadre spécifique à même de permettre le développement des activités des fondations et la récolte de dons au niveau transfrontalier.
« Nous devons soutenir et encourager le travail inestimable accompli par les fondations au profit des citoyens européens. La création d’un statut européen réduira les coûts et l’incertitude auxquels elles sont confrontées. Elles jouiront aussi d’une plus grande visibilité, qui leur permettra de promouvoir leur activité et d’attirer davantage de financements, grâce à la délivrance d’un label européen », a souligné le commissaire au Marché intérieur Michel Barnier. Il a insisté sur la nécessité de permettre l’essor de ces acteurs clé de l’économie sociale qui, au-delà de leur potentiel humain et moral, représentent un potentiel économique important.
Les 110 000 fondations d’utilité publique dans l’UE représentent en effet 15 pour cent du PIB européen, investissent 83 milliards d’euros par an dans l’UE (plus qu’aux États-Unis) et emploient entre 750 000 et un million de personnes salariées, en plus du million de bénévoles. Elles sont actives dans des secteurs variés : services sociaux, éducation, recherche, santé, culture ou protection de l’environnement, des droits de l’homme, etc. Généralement, ces fondations exercent leur missions à l’échelon régional ou national, mais elles se développent de plus en plus dans d’autres États membres que celui où elles ont été créées. Ce faisant, elles sont confrontées à des contextes juridiques ou fiscaux très différents ce qui génèrent des coûts de conformité qui obèrent leur efficacité et limitent les possibilités de dons provenant d’un autre État de l’UE.
Elles sont parfois obligées de créer d’autres structures dans un nouvel État membre où elles souhaitent intervenir à l’instar de la Foundation Europea Sociedad y education, initialement de droit espagnol, qui a dû se résoudre à cette solution pour pouvoir déployer ses activités au Portugal, car cet État ne reconnaît pas juridiquement les bureaux de fondations étrangères. Il lui en a coûté 250 000 euros de frais de constitution. La fondation allemande Miriam, qui œuvre notamment en faveur de la lutte contre le handicap, n’a, elle, pas pu se constituer en Irlande où elle possède des biens provenant de dons, les autorités irlandaises lui ayant refusé cette option parce qu’elle n’avait pas d’activité publique en Irlande et qu’elle avait été enregistrée en association avec une autorité régionale allemande.
Une étude de 2008, commandée par la Commission à l’institut de droit privé comparé et international Max Planck et l’Université de Heidelberg, a évalué le coût des activités transfrontalières pour les fondations entre 90 et 101,7 millions d’euros par an.
Le nouveau statut, totalement facultatif et volontaire, définit les principales exigences imposées aux fondations européennes : prouver la poursuite d’un objectif d’utilité publique, avoir une activité transnationale dans au moins deux États membres et disposer à leur création d’au moins 25 millions d’euros d’actifs. Les fondations privées et politiques en sont donc exclues. Une Fondation européenne pourra être créée soit ex nihilo, soit par transformation d’une fondation nationale, soit par la fusion de fondations nationales. Elle acquerra la personnalité juridique lors de son enregistrement dans un État membre. Et sera soumise à des dispositions strictes en matière d’organisation de son conseil d’administration, de supervision, de règles comptables et d’obligations de transparence pour éviter les conflits d’intérêt. Elle devra aussi respecter des conditions strictes quant à l’information et la consultation des salariés et des bénévoles.
La supervision de ces entités sera assurée par les États membres, qui devront échanger des informations avec entre eux pour ce qui touche à l’enregistrement dans les registres et des informations fiscales. Sur ce volet fiscal, le règlement précise que la FE et ses bailleurs de fonds devront bénéficier des mêmes avantages que ceux accordés aux fondations de droit national.
Pour les acteurs du secteur, l’adoption de ce règlement doit être la plus rapide possible, avant 2014. European Foundation Centre, qui représente plus de 230 fondations et bailleurs de fonds actifs dans le secteur philanthropique, s’est félicité de cette étape essentielle qui permettra aux fondations de se construire sur le long terme et de se déployer de manière transnationale. Gerry Salole, son directeur général, a souligné qu’ « un statut de FE aidera les fondations d’utilité publique à faire ce qu’elle font le mieux :améliorer la vie de millions de citoyens à travers l’Europe ». Rosa Gallego, présidente de DAFNE, un réseau qui rassemble 6 000 fondations à travers les réseaux nationaux de 22 pays européens, a appelé le Conseil à ne pas compliquer la proposition de règlement. « Il ne s’agit pas, a-t-elle dit, de lancer une réforme longue et complexe, mais de créer un outil simple robuste et fiable pour permettre aux nouvelles fondations d’utilité publique de maximiser leur potentiel ».