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d'Lëtzebuerger Land vom 22.11.2024

« Look at our share », interpelle le directeur général de SES, Adel Al-Saleh. « Vous avez vu la performance de notre action en dépit des bons résultats réalisés au troisième trimestre », insiste-t-il vendredi dernier, lors d’une réunion en ligne avec les salariés du siège. Le chef de l’opérateur de satellites depuis l’automne 2023 informe son personnel que la direction entre dans la phase de négociations d’un plan social « pour Betzdorf spécifiquement ». Vendredi dernier, le titre SES s’échangeait à 3,39 euros en bourse.

« The impact that we’re looking at is about 80 employees », precise Adel Al-Saleh. À ses côtés : Fabien Loeffler, nommé en septembre au titre inédit pour l’entreprise de chief transformation officer, et la DRH, Veronika Ivanovic. La « chief people officer » est arrivée en septembre après avoir travaillé dix ans pour Vodafone où elle a conduit ces derniers mois des restructurations de grande envergure. Le plan social en discussion chez SES intervient après l’annonce, en mai, de l’acquisition pour 2,8 milliards d’euros de l’opérateur américain Intelsat. L’opérateur luxembourgeois de satellites lutte pour sa survie sur un marché ultra-concurrentiel. Les deux acteurs historiques unissent leurs satellites en moyenne orbite et en géostationnaire face aux constellations en basse orbite d’Elon Musk (Starlink) et de Jeff Bezos (Kuiper) qui tirent les prix et les marges vers le bas. En avril, l’information (parue sur Bloomberg) d’un nouveau rapprochement entre SES et Intelsat (après un échec en juin 2023) avait fait chuter l’action de 18 pour cent (de 5,53 à 4,56 euros).

L’acquisition est contrôlée par les autorités et leur accord est attendu courant 2025. « Nous ne savons pas ce que va donner précisément la transaction avec Intelsat avant d’avoir de vraies données », explique le CEO à ses employés. « Le narratif sur le marché, c’est que tout le monde a perdu. Seul Starlink tire son épingle du jeu. Il ne faut pas perdre de temps », prévient le dirigeant. Or, la « structure de coûts » de l’entreprise « does not match » avec celle de la concurrence : « C’est pourquoi on fait ce qu’on fait ». Il partage son « sentiment » : « Si on ne fait rien pour l’entreprise, alors elle ne survivra pas ». Veronika Ivanovic se veut emphatique et promet un processus des plus « humain ».

Parallèlement, SES développe des activités en Inde : « Ce n’est pas qu’une affaire de coûts. C’est le pays qui produit le plus de PhDs », détaille le directeur général. Tous les concurrents auraient déjà des bureaux sur place. « L’Inde ne sera jamais aussi importante que Betzdorf », rassure-t-il. Le transformation manager précise que deux tiers des emplois supprimés seront ouverts en Inde à terme. SES emploie au Luxembourg 600 de ses 2 000 salariés. Interrogée sur d’éventuels autres licenciement à l’étranger, la porte-parole de l’entreprise ne veut commenter. Mais la digestion d’Intelsat pourrait aussi entraîner des suppressions de postes. « Le boulot de la direction, c’est de faire en sorte que cela n’arrive plus (les restructurations, ndlr) », s’avance Adel Al-Saleh face aux employés.

Dès vendredi, les syndicats se sont offusqués de l’annonce du plan social. L’OGBL et le LCGB demandent un plan de maintien dans l’emploi. L’État détient 37 pour cent des droits de vote dans SES. « Cette décision est également tout à fait incohérente avec les efforts du gouvernement Frieden-Bettel pour attirer des talents au Luxembourg », soulignent les syndicats. Interogé samedi sur RTL Radio à ce sujet, le Premier ministre, Luc Frieden (CSV), n’a pas voulu se prononcer sur un éventuel plan de maintien dans l’emploi. Le chef du gouvernement s’est contenté d’assurer que « quelques centaines de personnes » resteraient au Luxembourg, où le groupe est né dans les années 80.

Les syndicats demandent en outre à ce que la rémunération du CEO soit aussi concernée par les économies. Celui-ci a gagné neuf millions d’euros (bruts) en 2023. Les quatre administrateurs luxembourgeois, des hauts fonctionnaires et François Thoma (directrice de la BCEE) ont touché entre 90 000 et 124 000 euros (bruts) en 2023. Malgré l’annonce du plan social, le titre SES a encore perdu trois pour cent de sa valeur cette semaine. Il s’échange à 3,28 euros ce jeudi.

Pierre Sorlut
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