Les dirigeants de l’Entreprise des postes et télécommunications (EPT) reprennent leur souffle. Le tribunal de première instance de l’Union européenne a rejeté le mois dernier un recours en référé de La Poste belge qui mettait en cause le marché lancé par l’Office des publications de l’UE et remporté par l’opérateur luxembourgeois (non pas parce qu’il était moins cher, mais en raison de critères de qualité) pour la distribution et l’acheminement du Journal officiel (JO) de l’UE pendant quatre ans, jusqu’en 2014. Un marché énorme que l’EPT avait historiquement contrôlé, avant de le perdre en juin 2006 au détriment de la Poste belge, qui, à son tour, vient de voir ce juteux marché lui échapper. L’acheminement du JO appor-tera une bouffée d’oxygène à l’entreprise publique luxembourgeoise, qui perdra ses derniers monopoles sur le courrier en 2012.
Informée à la mi-décembre qu’elle n’avait pas remporté le contrat avec l’Office des publications, la Poste belge enrage et demande (et obtient) la communication des motifs du rejet de son offre. Le 31 décembre, un recours en référé est introduit pour bloquer provi-soirement le contrat, l’EPT retient son souffle. Dans un premier temps, le juge des référés ordonne de surseoir à la signature du contrat entre l’Office et l’EPT jusqu’au prononcé de l’ordonnance. La décision est intervenue le 5 février et le contrat a été signé dans la foulée.
Pour la Poste belge, c’est un marché de 23 millions d’euros sur quatre ans qui disparaît de son carnet de commandes. Pour le seul opérateur postal belge, cette perte aura des conséquences énormes sur ses affaires : le volume net de correspondance expédiée annuellement à partir de la Belgique, 7 014 504 kilos sera réduit de 934 928 kilos (treize pour cent de la correspondance totale expédiée de Belgique), ce qui fera que le pays « importera » davantage de correspondance qu’il n’en « exportera ». Ce qui fait craindre à l’opérateur belge « une forte diminution de son pouvoir de négociation » dans ses relations avec ses partenaires à l’étranger. Une détérioration de sa position concurrentielle aggravée par la libé-ralisation des services postaux à partir du 1er janvier 2011 (un an plus tard au Luxembourg).
La Poste belge a volontairement dramatisé les conséquences de la perte du marché du JO européen, selon le juge des référés qui s’est fait un plaisir de rappeler le chiffre d’affaires total du groupe en 2008 : 2,26 milliards d’euros. « Le contrat litigieux, a-t-il précisé dans son ordonnance, représente environ un pour cent du chiffre d’affaires réalisé (…), ce qui ne justifie pas de qualifier de grave le préjudice pécuniaire prétendument subi par la requérante ».
Le conseil d’administration de l’Entreprise des postes et télécommunication (EPT) a par ailleurs approuvé lundi le projet de fusion des activités commerciales de téléphonie fixe de l’opérateur public avec LuxGsm, sa filiale à cent pour cent dans la téléphonie mobile (Land 05.02.2010). Le projet avait été validé quelque jours plus tôt par le puissant Syndicat des P[&]T qui l’a assorti de nombreux gardes-fou afin d’éviter une privatisation de la branche des télé-communications, avec notamment une clause de retour en arrière pour les fonctionnaires affectés à la nouvelle entité commune en cas d’ouverture de son capital à des tiers. Reste désormais à traduire cet accord du 1er mars dans un projet de loi. Un chantier que le syndicat va surveiller de très près pour s’assurer qu’il ne débouche pas sur une privatisation déguisée. Un rendez-vous a été fixé le 10 mars entre une délégation du personnel et Jeannot Krecké (LSAP), le ministre de l’Économie qui a l’EPT dans son ressort. Le nom de la future entité ne fait pas l’unanimité.