Amsterdam-Paris

d'Lëtzebuerger Land du 15.11.2024

Vendredi 8 novembre à 15h53, le Premier ministre, Luc Frieden (CSV), a publié le message suivant sur X (anciennement Twitter) : « I strongly condemn the violent acts against Israeli citizens in Amsterdam. Antisemitism has no place in our societies. My thoughts are with the victims and Jewish citizens who feel worried. » Son Vice-Premier ministre, Xavier Bettel (DP), l’a suivi à 16h29 : « I strongly condemn the indiscriminate attacks on Israeli football fans in Amsterdam. One can disagree with the Israeli government, but attacking Israeli citizens because they are Israeli is unacceptable. Antisemitism has no place in our societies, and never will. XB »

Le chancelier Olaf Scholz les avait précédés à 12h36 avec un message similaire, ajoutant : « Wer Jüdinnen und Juden angreift, greift uns alle an. Jüdinnen und Juden müssen sich in Europa sicher fühlen können. » Même tonalité chez Emmanuel Macron, à 13h34 : « La France continuera de lutter contre l’odieux antisémitisme sans relâche », a conclu le président français. Les dirigeants européens se sont unanimement dressés contre l’antisémitisme après les événements qui se sont déroulés à Amsterdam entre mercredi et vendredi la semaine dernière, en marge de la rencontre d’Europa League entre le club de foot local, l’Ajax, et les visiteurs du Maccabi Tel Aviv.

En ce jour d’après, d’aucuns (et notamment dans la gauche française) ont néanmoins vu une forme de partialité dans la réaction des dirigeants et dans la couverture médiatique, essentiellement focalisée sur la dimension antisémite des violences. Celle-ci est avérée et documentée. Sur une vidéo diffusée sur X, l’on entend notamment un individu crier « cancer juif » (kankerjood en néerlandais) à un individu (on présume un supporter israélien) jeté dans un canal. Sur de nombreuses séquences, notamment sur celles de passages à tabac, l’on entend le terme « Palestine ». Cinq personnes ont été brièvement hospitalisées.

A notamment été reproché dans le traitement médiatique puis politique, l’occultation d’actes commis par les fans du Maccabi Tel Aviv. Il y a eu ces drapeaux palestiniens arrachés aux fenêtres sur de mélodiques « Fuck you Palestine », puis les chants de centaines de supporters en jaune et bleu filmés dans les escalators : « Olé, olé, olé, we will win, let the IDF win, fuck the Arabs ». L’on s’y réjouit aussi de la destruction des écoles et de la mort des enfants à Gaza. Vendredi, un rapport du Haut-commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies affirmait que 70 pour cent des victimes identifiées à Gaza étaient des femmes et des enfants.

Les politiques suivent les réseaux sociaux où s’entremêlent informations (supposément) vérifiées (par des organes de presse) et non-vérifiées. Les algorithmes y creusent des tunnels cognitifs. Difficile, voire impossible, d’établir le degré de connaissance des événements pour chacun des émetteurs de prises de position officielles vendredi au moment de tweeter. Sauf à leur demander. Ce que nous avons fait. « Sur quels éléments factuels se sont basés les ministres ? », avons-nous demandé au ministère d’État par email. « La décision a été prise par le Premier ministre suite à l’intervention du Premier ministre néerlandais Dick Schoof au Conseil européen informel sur les incidents qui ont eu lieu à Amsterdam », répondent les services de Luc Frieden.

Le contexte importe. Ces agressions sont intervenues durant la semaine de commémoration de la Kristallnacht, tragique nuit du 9 au 10 novembre 1938 durant laquelle les nazis ont détruit des lieux de cultes israélites et tué des centaines de Juifs, un événement annonciateur de la Shoah. Le Premier ministre israélien n’a pas manqué d’y faire référence dans une instrumentalisation des événements avec en toile de fond la guerre meurtrière qu’il mène à Gaza et au Liban. Le sentiment d’insécurité dans la communauté juive se diffuse indubitablement. Celui d’injustice aussi pour ceux qui s’indignent du massacre des civils gazaouis et de l’invisibilisation des apologies de crimes contre l’humanité proférées par ces individus déguisés en supporters.

Le représentant de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a lui écrit à 15h09, le 8 novembre, le message suivant : « I strongly condemn the violence in Amsterdam around a football match. Any manifestation of antisemitism or racism is unacceptable. We cannot import hatred into our societies. Any violence for religious or ethnic reasons is fundamentally against European values. » Ce jeudi soir, alors que le Land passait sous presse, l’équipe de foot d’Israël se déplaçait à Paris pour affronter l’équipe de France. Des violences étaient craintes.

Pierre Sorlut
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