Beate Esch m’accueille dans son bureau lumineux situé au deuxième étage du bâtiment administratif du Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg où elle travaille depuis le 1er juin 1993. C’est dire qu’elle connaît la maison et son sujet. Derrière elle, les fenêtres à travers lesquelles elle a vu le musée grandir avant même qu’il n’ouvre ses portes au public en juin 1996. Elle se souvient du réaménagement des anciennes maisons, des excavations impressionnantes sur le chantier et elle a surtout le sentiment d’avoir participé à la naissance du musée. Autour de son grand bureau qu’elle utilise pour elle seule, des masses de documents à traiter, prêts à être encodés dans l’ordinateur, un scanner pour les reproductions, des livres et puis la porte vitrée qui mène vers la petite et riche bibliothèque du musée.
Après son baccalauréat à Marburg en 1975, Beate Esch suit des études en bibliothéconomie (science de l’information et des bibliothèques) et devient archiviste de formation au Landeshauptarchiv Koblenz (1978). Lorsqu’elle s’installe au grand-duché en 1989, date de la chute du Mur de Berlin, elle effectue d’abord un bref passage de quatre mois à la Bibliothèque nationale puis à la bibliothèque du Grand Séminaire avant de devenir finalement responsable de la documentation et des archives et de la bibliothèque du Musée d’Histoire de la Ville. Beate Esch rappelle qu’il est malheureusement impossible d’apprendre ce métier au Luxembourg et qu’il faut donc se rendre à l’étranger pour acquérir ces connaissances et cette formation.
Connue pour son efficacité à délivrer les documents rares d’archives, son téléphone n’arrête pas de sonner de sorte que la documentaliste à dû le mettre sur répondeur pour avoir bénéficier d’un peu de calme. Appréciée par ses collègues pour son travail, elle garde les fonds importants de l’histoire de la Ville de Luxembourg et en est devenue la spécialiste dans le pays. Femme consciencieuse et sérieuse, à l’allure vestimentaire classique, semblant introvertie derrière ses lunettes, elle ne manque néanmoins pas d’ouverture envers l’autre ; grand sourire, elle regorge de curiosité et sait faire preuve de jovialité collégiale. Beate Esch est une femme qui sait ce qu’elle veut et sait mener les recherches adéquates pour le trouver. Telle une investigatrice moderne au sein d’un musée historique, elle cumule les indices et les preuves pour recoller les morceaux du passé et les faire ressurgir au présent.
Au Musée, Beate Esch s’occupe plus exactement d’alimenter et d’organiser la banque de données des « Musées de la Ville de Luxembourg ». C’est l’appellation donnée aux musées communaux, comprenant le nouveau Musée d’art de la Ville, la précieuse Villa Vauban dont elle sera également responsable du service documentation, qui ouvrira l’année prochaine et accueillera les collections communales. La Villa Vauban – Musée d’art de la Ville de Luxembourg deviendra certainement un centre de ressources de documentation en histoire en l’art inégalable au grand-duché.Dans son bureau, elle rassemble des informations sur des objets en rapport avec l’histoire de la ville de Luxembourg, car ces informations sont pour la plupart dispersées dans le monde. Pour ce faire, elle contacte les instituts culturels, principalement à Berlin, en Autriche ainsi qu’en France, mène un travail en réseaux pour récupérer les archives, des photographies, des enregistrements sonores et filmiques. Les principales sources de l’histoire de la capitale proviennent du temps de la Forteresse de Vauban. C’est du travail, mais elle n’est pas seule. « C’est un travail d’équipe, je ne fais pas des recherches pour faire des recherches, c’est souvent dans un contexte de préparation d’expositions, chaque exposition est différente, il faut régler les droits d’auteurs, déclarer les installations sonores auprès de la Sacem, gérer les installations multimédia avec l’équipe informatique ». Confrontée aux nouvelles technologies et media, elle doit faire preuve d’adaptation et son travail évolue vers une partie plus administrative, mais elle doit aussi composer avec les contraintes et soucis informatiques.
Si la bibliothèque est un outil de recherche important pour les chercheurs du musée, elle est également accessible pour le grand public, à condition de consulter les ouvrages sur place. Plurilingue, Beate Esch guide les chercheurs, met à disposition des reproductions d’œuvres du musée et utilise le système de catalogage Aleph afin que tous les fonds soient bien visibles sur Internet. Gardienne des images de l’histoire de la capitale, Beate Esch ne gère pas moins de 4 000 livres qui sont catalogués pour servir aux deux musées, préparer les expositions, l’enrichissement de la base de données, documenter les collections, la documentation et les recherches sur l’histoire des objets, les images pour les publications scientifiques et pour la presse. « Pour faire ce métier, il faut avoir le sens de l’ordre et de l’organisation, être rigoureux et assidu ainsi qu’avoir l’envie de faire des recherches sur quelque chose et, bien sûr, de trouver des réponse s». En effet, Beate Esch est une femme qui a de la patience, s’attache aux détails, ne s’avoue pas facilement vaincue et poursuit ses recherches sans relâche jusqu’à trouver l’insoupçonnable.
Les points forts de la bibliothèque sont les ouvrages sur l’histoire de la ville ainsi que les livres de beaux-arts, qui vont déménager à la Villa Vauban bientôt. Mais la bibliothèque est également spécialisée en muséologie et en muséographie et est la seule à avoir un fonds dans ces domaines au pays. Les livres s’adressent aussi bien aux habitants qu’aux visiteurs étrangers et sont hétérogènes et écrits en français, en allemand et en anglais dans cette bibliothèque miniature de Babel. « J’aime mon travail, c’est un métier très intéressant de travailler régulièrement avec de nouveaux intervenants, d’être en contact avec des chercheurs et des étudiants qui viennent travailler au musée ». Durant ses loisirs, Beate Esch aime le jardinage et la lecture, sans doute parce qu’il est propice à cultiver notre jardin, comme disait Voltaire. Pour la lecture, elle aime dire avec humour qu’il ne peut s’agir que « d’une déformation professionnelle due à son métier ».