Publiée conjointement par l’Urban Land Institute (ULI) et PwC, l’étude Emerging Trends in Real Estate® Europe 2011, parue cette année pour la huitième fois, étudie les tendances et prévisions en matière d’immobilier. Elle décrit les perspectives d’investissement et de développement du marché immobilier européen, les capacités de financement de ce marché, les différents types d’actifs et les secteurs géographiques ou d’autres thèmes du secteur.
Emerging Trends in Real Estate® Europe 2011 exprime un consensus sur l’évolution du marché immobilier et reflète l’avis de plus de 600 spécialistes du secteur (investisseurs, promoteurs, sociétés immobilières, banques, courtiers ou encore consultants) qui ont répondu à des enquêtes et/ou ont été interviewés. Les consultants d’ULI et de PwC ont mené 312 entretiens en face à face et 303 personnes supplémentaires ont répondu directement à l’enquête.
Plus de réglementation, l’Europe de l’austérité, la crise de la dette des États souverains, ainsi qu’un marché des prêts plus faible que jamais : tels sont les défis du secteur immobilier européen en 2011. « Dans quelques années, 2011 pourrait bien être considérée comme une année de transformations pour l’immobilier. Aujourd’hui, les professionnels du secteur vivent une période difficile, les sources traditionnelles de prêts pour les actifs vacants ou ayant besoin d’être rénovés étant de moins en moins disponibles. Toutefois, des alternatives sont attendues comme les fonds souverains ou les sociétés d’assurance. Une des préoccupations majeures est la poursuite de la réduction du nombre d’intervenants sur le marché. Ceux qui s’en sortiront seront ceux qui seront les mieux à même de gérer leurs actifs, plutôt que ceux qui feront des sélections avisées d’actions. »
L’année dernière fut, pour le secteur immobilier, un chemin semé d’embuches. D’abord, la Grèce et la crise de sa dette, puis l’annonce de Bâle III pour les banques, ensuite l’Irlande prouvant à son tour que la crise de la dette des États souverains était loin d’être terminée, et, pour couronner le tout, les efforts des pouvoirs publics européens pour nettoyer le système financier à coup de réglementation. Tous ces éléments ont contribué à fragiliser le secteur de l’immobilier et à se poser des questions sur son avenir.
Les experts interrogés dans le cadre de l’étude Emerging Trends Europe s’accordent à dire que, alors même que la reprise du secteur est peut-être en marche, la situation est désormais beaucoup plus compliquée. Dans quelle mesure les accords de Bâle III modifieront-t-ils le financement de l’immobilier ? Quelle économie européenne en souffrance sera la prochaine à demander une aide financière ? Comment les réductions des dépenses vont-elles affecter les consommateurs, les entreprises et la demande fondamentale pour l’immobilier ? Telles sont les questions que se posent actuellement les acteurs du marché immobilier.
Pour l’heure, on ignore si les pressions actuelles pourraient constituer de véritables changements structurels à long terme modifiant en profondeur le visage du secteur pour les années à venir. Ainsi, les experts les mieux inspirés commencent à s’adapter au cas où. Le malaise durable du marché de la dette – euphémisme s’il en est dans la mesure où l’un des sondés a qualifié ce marché de « complètement mort » – est un thème récurrent en 2011. Étant donné l’ampleur du problème, une telle déclaration ne surprend personne. En revanche, ce qui a changé est la perception des participants à l’enquête qui craignaient, l’année dernière, que le nombre important de financements arrivant à échéance à travers l’Europe dans les cinq prochaines années n’empêche les banques d’accorder de nouveaux prêts. En 2011, la question est plus de savoir quels effets aura Bâle III sur la propension des banques à accorder des prêts immobiliers et à quel coût. Ainsi, l’optimisme ressenti au premier semestre 2010 - à cette époque, les experts interrogés voyaient les marchés de la dette d’un meilleur œil – laisse-t-il place à un sentiment d’appréhension. Un mince espoir subsiste toutefois avec l’apparition de nouvelles sources de refinancement de la dette comme les sociétés d’assurance et les financements structurés; certains prédisent même l’arrivée des banques chinoises.
Ceci dit, même si de nouveaux acteurs émergent, cela prendra du temps et ne répondra qu’à une partie du problème. Ainsi on prévoit une mise sur le marché de titres immobiliers cette année de la part d’un nombre croissant d’investisseurs d’Asie du Pacifique, d’institutions et de fonds de capital-investissement.
Pourtant – et comme c’est le cas pour de nombreuses tendances positives à l’heure actuelle – il ne s’agit pas de prendre ces bonnes nouvelles pour argent comptant. En effet, les investisseurs, désormais plus sélectifs et dont l’aversion au risque est plus importante, ne feront bénéficier de leurs liquidités qu’une faible part du secteur, s’assurant désormais qu’une organisation durablement solide a été mise en place. Les experts interrogés prévoient que les sociétés bien établies et menant des stratégies défensives vont mieux réussir dans les mois à venir alors que les perspectives sont en revanche moins brillantes pour le secteur des niches ou pour les nouveaux acteurs. Il s’agit-là d’un exemple parmi tant d’autres du clivage du marché qui se poursuivra dans les mois à venir, entre les intervenants ayant consolidé leur position et les autres.
Cette division s’étend même aux perspectives d’emplois. Selon les participants à l’enquête, le secteur continuera à licencier en 2011 et comme les sociétés seront plus sélectives, on trouvera d’un côté des professionnels de l’immobilier qui ont les compétences recherchées et de l’autre, des personnes totalement inadaptées à la nouvelle donne.
Compte tenu du profil de risque des investisseurs, ce sont les villes où la demande des locataires est forte, comme Londres et Paris, qui continueront d’attirer les investissements. D’autres villes comme Dublin seront quant à elles désertées par les investisseurs. Ceci dit, même pour les villes et les pays tirant leur épingle du jeu, les capitaux seront tout de même utilisés en priorité pour l’acquisition des meilleurs actifs. Les autres resteront quant à eux à des prix peu élevés et continueront à baisser dans les mois à venir. De plus, selon les personnes interrogées, comme presque un tiers de l’encours de la dette de l’immobilier commercial européen – qui s’élève à 960 milliards d’euros – est garanti par de l’immobilier de moindre qualité dont les ratios loan-to-value sont élevés, les banques pourraient n’être qu’au début de leurs peines. Même si l’ensemble des types d’actifs présente des perspectives positives d’investissement, les professionnels interrogés ont souvent cité comme secteurs offrant des perspectives « modestement bonnes », les bureaux en centre ville, les commerces et les centres commerciaux. Malgré les craintes relatives aux effets de la politique d’austérité en Europe sur les consommateurs, les commerces prennent la tête des classements du secteur, suivis par les bureaux ; les appartements à louer – segment phare l’année dernière – ont chuté à la troisième place. Il y a un écart considérable entre ces grands vainqueurs et les secteurs comme les hôtels, les actifs à usage mixte (bureaux/commerces), industrie/distribution, et les actifs résidentiels. Le développement des actifs Core (actifs générant des liquidités et présentant un niveau de risque faible) suscite l’intérêt. Tous les secteurs de l’immobilier présentent un potentiel accru de développement, les huit premiers secteurs étant identifiés comme ayant des perspectives correctes. Les bureaux en centre-ville prennent la tête, suivis par les appartements locatifs et les appartements à vendre. Toutefois, si les banques s’obstinent à ne financer que des actifs générant des liquidités, la poursuite du développement des actifs Core se révélera compliquée. En effet, pour innover, la prise de risques est indispensable. Selon certains spécialistes interrogés, il est vain de concevoir des stratégies spécifiques selon les villes : pour eux, tous les marchés présentent des opportunités à un prix acceptable. La recherche d’actifs dans des domaines où le capital est rare mais pouvant déboucher sur une demande future – citons à titre d’exemple les terrains résidentiels, les foyers protégés ou encore les maisons de retraite – est l’une des solutions envisagées par certains experts pour continuer à mener des approches créatives.
Dans le cadre de notre enquête, nous avons également interrogé certains professionnels au Luxembourg sur leur vision du marché européen et local. Leurs positions mitigées s’appliquent de la même manière à l’Europe et au Luxembourg. Conclusion logique, dans la mesure où nous opérons dans un environnement dépendant de la santé de l’économie et des marchés internationaux. Toutefois, par rapport à la moyenne européenne, les fondamentaux luxembourgeois tels que le taux de vacance sont bien en deçà des moyennes européennes. Les perspectives locales s’avèrent donc optimistes, même si aucun changement majeur n’est attendu pour l’année à venir.
Les défis européens concernant l’immobilier contaminent de manière similaire l’activité des fonds d’investissement luxembourgeois par bien des aspects. Ainsi, le niveau et le type de transactions, la mise en place de nouveaux fonds et le développement des fonds existants seront confrontés aux mêmes problèmes. Dans la mesure où le secteur de l’immobilier doit « s’adapter ou disparaître », les professionnels de l’immobilier seront obligés d’évoluer et s’il ne faut pas s’attendre à retrouver des niveaux d’avant la crise, il est essentiel d’aller de l’avant, les perspectives de rentabilité des sociétés immobilières étant meilleures que l’année dernière. Enfin, même si les défis règlementaires pourront avoir un effet sur les allocations d’actifs, le positionnement du Luxembourg et la façon dont il traite certains actifs incitent à un optimisme modéré.