Präiswäert wunnen, ça promet et attire les foules. C’est ainsi que l’ordre des architectes et ingénieurs-conseils (OAI) a intitulé l’exposition qu’il a présentée lors de la Semaine nationale du Logement en 2008 et 2009. Un concept simple : présenter des projets dont le coût de la construction (hors TVA, hors honoraires et sans prix du terrain) était de 350 000 euros ou moins.
Quelle idée de venir avec une telle exposition à l’époque des places à bâtir quasiment monopolisées par les promoteurs. Quel culot, les architectes et ingénieurs, dont les honoraires se calculent en fonction du budget d’un projet, se vantent d’être bon marché. Facile d’annoncer un budget de 350 000 euros avec de belles images, mais sans indiquer le prix final que cela a coûté. Ce sont certainement des réflexions parmi beaucoup d’autres semblables, faites par les visiteurs de l’exposition.
Pourquoi l’OAI fait-il ce genre de choses ? Comme le nom l’indique, l’ordre des architectes et ingénieurs-conseils a une raison d’être, à savoir de mettre de l’ordre dans la profession. En effet, la profession d’architecte tout comme celle de l’avocat ou du médecin, est une profession libérale, ce qui signifie qu’elle dispose d’une déontologie qui règle la profession et qui implique la nécessité d’un organe qui veille au respect de cette déontologie, au bon fonctionnement de la profession ainsi qu’aux bonnes relations entre les membres et les maîtres d’ouvrages ou clients. L’OAI n’est donc pas un club de supporters ni un syndicat, mais un organe indispensable, strictement structuré et réglementé, tout comme la profession de l’architecte même.
Pour n’en nommer que quelques-unes, les règles déontologiques de la profession de l’architecte comprennent la discrétion professionnelle, l’interdiction de faire de la publicité et l’interdiction de faire de la promotion immobilière. Les architectes seraient-ils une véritable espèce menacée de disparition ? De toute évidence, ils sont les seuls à ne pas pouvoir faire ce qui leur plait dans ce paysage de la construction luxembourgeoise qui ressemble de plus en plus au wild wild west voir à la jungle, où, comme dirait notre ami Woody Allen, might is right. Une fois cette toile dressée on pourrait penser, qu’en effet l’architecte ferait son possible pour qu’un projet coûte « la peau des fesses » pour qu’il encaisse proportionnellement. Cela semble évident, mais en y réfléchissant, quel intérêt à le faire ? Celui dont le seul espoir de publicité est celle du bouche-à-oreille, doit être cinglé pour gâcher sa chance en passant pour un escroc, et, mis à part une mauvaise réputation, risquer également une plainte auprès du conseil de discipline de l’OAI.
L’OAI est en quelque sorte un État dans l’État. C’est pour cela qu’il y a des années, bien avant la crise économique, le virus des subsides à l’« écologico-durabilité » des immeubles ou encore le Energiepass, l’OAI faisait déjà le genre de choses comme lancer une campagne d’affiches portant des slogans comme « Op der falscher Plaz spueren, kann deier gin », « Verplangt Iech net », « Gebaier maache Lëtzebuerg » et « Wien ecologesch baut, ass net gréng hannert den Oueren ».
C’est dans cette pratique et pour soutenir à sa façon la loi sur le pacte logement, suite à une rencontre avec le ministre du logement, que l’OAI a produit les expositions « Präiswäert wunnen ».
Mais ne perdons pas de vue l’argent ! Il est bel et bien vrai que les honoraires de l’architecte se calculent en fonction du coût de la construction, donc du budget de son client. Cependant, il ne s’agit pas d’un pourcentage Y qui s’applique automatiquement à un budget Z. De fait, les honoraires de l’architecte, contrairement à ce que l’on peut penser, se discutent. Voilà qui surprend, et, alors qu’il s’agit d’un véritable atout exclusif, étant donné que cela rompt avec la culture du pays, malheu-reusement c’est perçu comme malsain. Non, cela ne se passe pas comme au souk, et celui qui choisit de faire l’expérience s’en rendra compte à condition qu’il joue le jeu. Les honoraires ne peuvent être fixés qu’une fois le programme du bâtiment établi en fonction de l’enveloppe budgétaire et que la mission ou prestation de l’architecte sera déterminée. Ce sont ces choses-là qui se discutent ensemble et qui influencent directement le calcul des honoraires autant que le plan de paiement. Ainsi, si la mission de l’architecte s’arrête aux plans d’exécution, et que le client fait dorer le plafond du séjour, l’architecte ne va pas pour autant encaisser Y pour cent du coût de la dorure. De même, s’il s’agit d’une mission complète et que l’on finit par dorer le plafond du séjour et celui de la salle à manger, l’architecte ne va pas toucher 2 x Y pour cent de la dorure. Le corollaire qui lie les honoraires de l’architecte au budget de la construction est une fonction à plusieurs inconnues, inconnues qui seront toutes fixées par le client et pas par l’architecte. Il est donc erroné de penser que l’architecte aurait un intérêt à faire monter le coût de la construction. Puis, rappelons-nous qu’un architecte dépend de la satisfaction de son client !
Präiswäert, bon marché, contrairement à l’utilisation qui en est faite, ces mots plutôt que de signifier « pas cher », signifient « un bon rapport qualité prix ». Il ne s’agit donc pas de construire pas cher, même pas nécessairement moins cher, mais de construire au meilleur prix possible. Pour cela, il faut construire suivant le budget plutôt que de budgétiser suivant la gourmandise ou la mode. Pourquoi construire 350m2 si 180m2 suffisent largement ? Alors qu’il paraît évident que les matériaux de construction choisis influent directement le coût de la construction, souvent on oublie que le volume de la construction autant que sa complexité sont tout aussi importants. Le juste programme vaut de l’or. Il doit être établi suivant les besoins de l’utilisateur, et peut questionner des données ancrées dans notre imaginaire en tant que modèle élémentaire, voir idéal d’une maison d’habitation. Par exemple, une cave ne doit pas occuper l’emprise totale du bâtiment. D’ailleurs, une cave, dans le sens d’un lieu où ranger des choses, ne doit pas nécessairement être enterrée, une cave coûte plus cher qu’une chambre de rangement hors sol. Une bibliothèque peut s’organiser astucieusement de l’entrée au grenier d’une maison, et de fait être fréquentée sans cesse plutôt que d’être une pièce classique et encombrante que l’on évite.
Une construction s’avère moins chère dans le temps si l’on planifie dès le début la gestion (des coûts) de l’entretien du bâtiment et que l’on optimise la consommation en énergie.
La réalisation du rêve d’un chez-soi devient moins chère quand la période de construction est raccourcie par le choix de type de construction (par exemple ossature en bois), un chantier « sec » avance rapidement, et économise plusieurs mois de loyer.
Enfin, la flexibilité dans le temps est un facteur souvent oublié : on peut planifier un bâtiment de façon à pouvoir le construire par étapes, au moment où le budget, ou le besoin en termes de programme s’y prêtent. Plutôt que de construire d’un coup une maison avec quatres chambres à coucher, parce qu’il est certain devenir un jour père d’une famille nombreuse, le célibataire peut décomposer et réaliser son projet par étapes.
Alors que lors de l’achat d’une voiture, le catalogue limite le choix des options et que chacune des options fait monter le prix de la voiture, et que, une fois le choix fait, les promesses de flexibilité des banques s’avèrent encore moins ajustables que les options de la voiture chérie ; pour la maison, on trouve le partenaire à qui l’on peut faire confiance, qui est flexible et qui va jusqu’à inventer les options et le plan de financement s’il le faut.
Dee moolt et, wann et et net scho gëtt. Ce partenaire, on le qualifie d’architecte.