Secret bancaire aboli en juin prochain ?

Offensive du Parlement européen

d'Lëtzebuerger Land vom 04.02.2010

Les détracteurs du secret bancaire, déçus la semaine dernière par les blocages au Conseil Écofin du Luxem­bourg et de l’Autriche sur un accord avec le Liechtenstein pour l’échange automatique d’informations bancaires, ont retrouvé le sourire jeudi 26 janvier. La commission des affaires économiques et monétaires au Par­lement européen (ECON) a en effet voté à une écrasante majorité (25 voix pour, six contre et dix abstentions) en faveur de la généralisation du système d’échange automatique d’informations entre les administrations fiscales à l’échelle internationale.

Les membres de la commission ECON ont adopté un rapport et une proposition de résolution sur « la promotion de la bonne gouvernance dans le domaine fiscal », qui seront soumis le 10 février à l’approbation de l’ensemble des eurodéputés. On ne s’attend pas à une modification en profondeur du texte qui est déjà le fruit d’un compromis entre les principaux groupes politiques : PPE, S[&]D, ADLE et Verts. Et même si cette résolution n’est pas contraignante, puisque le Parlement ne dispose d’aucun pouvoir dans le domaine fiscal, elle va contribuer à renforcer la pression exercée par 25 États membres sur le Luxembourg et l’Autriche – et, par ricochet, sur la Suisse – afin qu’ils acceptent d’abolir ou du moins d’aménager leur secret bancaire.

Le texte, renforcé par rapport à sa version originale, rédigé par le socialiste italien Leonardo Domenici, préconise notamment que l’Union promeuve « activement l’amélioration des normes de l’OCDE, afin de faire de l’échange automatique d’informations le standard global », et cela dès 2014. Les eurodéputés partent du constat que l’application des normes sur l’échange d’informations sur demande établies par l’OCDE (et que des pays comme le Luxembourg et la Suisse se sont résignés à appliquer suite aux pressions du G20), demeure « insuffisante pour faire face aux défis que représentent les paradis fiscaux ». Aussi suggèrent-ils que, pour donner l’exemple d’une bonne gouvernance, l’UE « commence par supprimer les paradis fiscaux se trouvant sur son propre territoire ». Les parlementaires réclament un renforcement des directives communautaires sur la fiscalité de l’épargne et sur la coopération administrative en matière fiscale. Les eurodéputés évaluent la fraude fiscale « à plus de 200 milliards d’euros par an dans l’Union européenne, ce qui correspond à plus de deux pour cent du PIB de l’Union ». Il s’agit dont pour eux d’un « enjeu économique majeur ». Ils estiment que « la bonne gouvernance dans le domaine fiscal devrait avoir pour effet de donner aux États membres et aux pays en développement davantage de moyens pour parvenir aux objectifs du Millénaire pour le développement ».

Un autre rapport a d’ailleurs été adopté le 27 janvier, qui suggère que le système de l’échange automatique d’informations s’applique non seulement aux revenus de l’épargne perçus sous forme d’intérêts mais aussi aux revenus du travail, aux émoluments des directeurs, aux dividendes, aux gains en capital, aux redevances, à tous les produits d’assurance-vie, aux pensions et à la propriété immobilière.

« La lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale ne sera remportée que si les mêmes règles s’appliquent à tous », souligne le rapport Domenici. « Les règles de bonne gouvernance dans le domaine fiscal, précise-t-il, doivent être négociées dans le cadre d’accords généraux ou spécifiques avec les pays tiers » sur la fiscalité de l’épargne et la lutte antifraude, entre autres.

La résolution parlementaire appelle l’Union « à intensifier son action et à adopter des mesures immédiates, telles que des sanctions », qui pourraient prendre la forme de prélèvements spéciaux sur les opérations commerciales, de non-reconnaissance du statut de certaines sociétés, d’interdiction d’établissement, etc. Autre mesure incitative préconisée : « la commercialisation dans l’Union de fonds alternatifs domiciliés dans un pays tiers doit être conditionnée (…) à l’application effective (par ce pays) du principe de l’échange automatique d’informations, sur base de règles légalement contraignantes ».

Au moment où éclatent des affaires de vente tant à la France que plus récemment à l’Allemagne de listes volées à des établissements localisés en Suisse, le secret bancaire a du plomb dans l’aile. Le Commissaire chargé de la fiscalité et de l’union douanière, Laszlo Kovacs, a même estimé sa fin dans l’UE d’ici juin prochain, dans un entretien diffusé vendredi par le magazine autrichien Format.

Sophie Mosca
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