When september starts

d'Lëtzebuerger Land vom 05.09.2025

L’école publique luxembourgeoise n’est pas seulement le terreau dans lequel peut croître le vivre-ensemble résultant du brassage de populations à un âge où les préjugés sont dépassés par l’envie de jouer au ballon ensemble, l’endroit où les enfants apprennent les trois langues du pays et côtoient leurs semblables, habitant le quartier ou le village, Luxembourgeois ou non, enfants d’immigrés ou immigrés eux-mêmes, encadrés par des enseignants qui bénéficient de classes de taille raisonnable et d’un salaire à la hauteur de leur responsabilité et de l’importance de leur rôle. Elle présente également un avantage de taille : Sa rentrée n’est jamais avant le 15 septembre.

Ce début septembre, alors que le reste de l’Europe a repris le chemin du travail, est un des charmes de notre pays. Cela permet aux habitants du Limpertsberg de fuir leur quartier alors qu’il est livré aux effluves de friture et de poisson frit, ainsi qu’aux automobilistes avides de places de parking à toute heure du jour et de la nuit, Schueberfouer oblige. Cela permet aux frontaliers d’avoir encore quelques jours de relatif répit sur la route. Cela permet surtout de profiter des derniers jours de l’été, qui ne se termine pas le 31 août comme on a tendance à se le représenter, mais le 20 septembre comme on le sait pourtant tous.

Partir en vacances à contretemps présente de nombreux avantages : il fait un peu moins chaud si vous allez dans le sud, il y a un peu moins de monde si vous allez dans un endroit touristique, et c’est un peu moins cher quel que soit l’endroit où vous allez. Les journées sont moins longues, ce qui avance d’autant l’heure de l’apéritif. Le soleil sera moins haut dans le ciel, ce qui vous épargnera un peu de crème solaire voire des brûlures au second degré si vous l’avez oubliée. On trouve de la place à la terrasse des cafés, sans avoir besoin de réserver trois jours à l’avance. Il est possible d’étaler sa serviette sur la plage sans avoir l’impression d’envahir l’espace vital de voisins qui ont décidé d’occuper trente mètres carrés à deux. Il n’y aura qu’une heure de queue avant d’entrer au Louvre, au lieu de trois ou quatre. Dans chaque lieu, sauf peut-être Europa-Park, Disneyland ou Venise, les habitants, revenus, seront aussi nombreux que les visiteurs. Les épisodes de canicule et les incendies sont révolus. Vous n’allez pas culpabiliser de ne pas écrire de cartes postales, puisque personne ne vous en a envoyé en juillet et en août. Vos connaissances déjà parties vous ont préparés psychologiquement à la punition collective infligée par Luxair, qui a décidé de faire partir tous ses avions entre 6h et 6h10 du matin.

Ne partir qu’en septembre semble une meilleure idée qu’elle ne l’était en juillet ou en août, lorsque tout le monde partait à tour de rôle, que les restaurants du quartier étaient tous fermés, et que la radio ne diffusait plus que des musiques latinos alors que vous deviez toujours aller travailler. Vous vous êtes retrouvés à devoir faire YMCA devant votre ordinateur pour que la lumière du bureau ne s’éteigne pas. Vous avez erré dans des couloirs vides à la recherche d’un compagnon de pause-café. Même sur le chemin du travail, vous croisiez des groupes de touristes en visite au Grand-Duché, depuis les Néerlandais venus en camping-car comme chaque année, jusqu’aux groupes venus d’Asie pour qui c’était la troisième étape de leur tour d’Europe en une semaine et qui vous ont pris en photo sur votre vélo, tellement vous êtes pittoresque. Maintenant c’est votre tour de poster des photos de la condensation sur votre verre de mojito avec la mer en arrière-plan. 

Des inconvénients ? Peut-être faudra-t-il affronter un petit orage sur un sentier escarpé du GR 20 en Corse avec du vent à faire s’envoler les sangliers. Peut-être vos enfants seront-ils un peu moins enthousiastes quand ils découvriront que le club « jeunes » est désormais occupé par des bébés de moins de trois ans, et aucun adolescent de leur âge. Peut-être aurez-vous l’impression d’effectuer un voyage dans le futur lorsque, dans la salle du restaurant, l’âge moyen des convives vous donnera un avant-goût de l’ambiance à la cantine de la fondation Pescatore. L’eau de la piscine sera sans doute un peu plus fraîche. Mais quand vous rentrerez, vous pourrez déjà penser aux vacances de Noël.

Cyril B.
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