L’Union Européenne durcit le ton sur la situation en Ukraine. Elle exige le retrait des troupes russes de Crimée, située à l’est du pays et majoritairement russophone, annonce qu’elle ne reconnaîtra pas l’issue du référendum qui y est planifié et prévoit des mesures de rétorsion graduelles contre la Russie si elle n’obtempère pas. Parallèlement, elle met en place un plan d’aide à l’Ukraine en plusieurs volets dont une assistance de onze milliards en vue d’aider « à stabiliser la situation économique et financière ».
S’ils maintiennent le jeu diplomatique ouvert pour aboutir à une solution pacifique du conflit, les gouvernements des États membres de l’UE ont décidé à l’issue d’un sommet européen le 6 mars un gel des négociations avec Moscou notamment pour le G8 et une levée de visa pour les touristes russes. Ce dispositif résolu, s’est fait sous la pression des États-Unis qui avaient de leur coté décrété « le gel des avoirs des individus et entités impliqués dans l’intervention militaire russe en Crimée, qui feront en outre l’objet d’une interdiction de déplacement aux États-Unis». Durant le sommet plusieurs Etats plaidaient pour une stratégie moins « rude » : le Royaume Uni qui craignait pour sa place financière où sont représentés d’importants intérêts russes, l’Allemagne, les Pays Bas, l’Italie qui sont des partenaires commerciaux majeurs, surtout en matière énergétique, et plusieurs petits États membres de l’UE dont Chypre, la Lettonie et la Bulgarie où les investissements russes sont conséquents. L’attitude américaine a fait pencher la balance vers une attitude de fermeté, prônée par les pays voisins de l’Ukraine la Suède, la Pologne et les pays baltes.
Outre la présence de plus en plus nombreuse de troupes russes en Crimée ce qui irrite au plus haut point les dirigeants européens c’est l’annonce par le Parlement de Crimée d’un referendum sur l’adhésion de ce territoire à la Fédération de Russie fixé au 16 mars (les électeurs auraient le choix entre un rattachement à la Russie ou une autonomie nettement renforcée). Une véritable provocation pour les uns, une violation du droit international et ukrainien pour d’autres et une décision « illégitime », pour le nouveau premier ministre ukrainien pro-européen, Arseniy Iatseniouk invité au Sommet européen du 6 mars. Il s’est aussi rendu à Washington les 12 et 13 mars. La Rada, l’Assemblée ukrainienne, a menacé de dissoudre le Parlement criméen s’il n’annulait pas d’ici à mercredi le référendum.
Les députés européens quant à eux réclament une réponse encore plus forte, lors d’une débat en plénière le 12 mars et dans six résolutions adoptées le lendemain. Hans van Baalen, député démocrate libéral néerlandais, a milité pour « des sanctions sévères qui affecteront la Russie » mais il s’est demandé si le Conseil était prêt à emboîter le pas. Pour Rebecca Harms, députée verte allemande, l’UE n’est pas impuissante, avec ses 45 pour cent d’échanges commerciaux avec la Russie. « Nous n’avons pas besoin de nous retrouver dans une sorte de conflit militaire a-t-elle déclarée. Il faut que ce soit clair pour la Russie que si elle veut s’isoler, alors c’est ce qui va arriver ».
La Commission a proposé un plan d’aide à l’Ukraine de onze milliards d’euros sous forme de prêts dans le cadre de l’assistance macroéconomique pour 1,6 milliard, de dons (1,4 milliard, dont 600 millions au cours des deux prochaines années), et trois milliards provenant de la Banque d’investissement européenne (BEI). Elle table encore sur cinq milliards d’euros via la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et sur 250 millions de fonds de la politique de voisinage afin de lever 3,5 milliards de prêts.
Les États membres de l’UE ont par ailleurs réaffirmé leur intention de signer un accord d’association avec l’Ukraine qui y est aussi favorable. Le volet politique de cet accord de partenariat oriental devrait être signé avant les élections ukrainiennes du 25 mai. Il concerne les « principes généraux, de la partie sur la coopération politique et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) », a expliqué le président de la Commission José Manuel Barroso. Le Parlement devrait se prononcer en avril sur ce point.
En parallèle et par anticipation sur l’accord de partenariat, la Commission a proposé le 11 mars d’exonérer de droits de douanes bon nombre de produits de consommation ukrainiens. Ce « cadeau » qui entrerait en vigueur en juin prochain représenterait 500 millions d’euros par an selon le commissaire au Commerce, Karel De Gucht.
Ces négociations ouvrent la voie à une intégration de l’Ukraine dans l’UE mais elles risquent aussi d’attiser les oppositions au sein des États membres entre ceux qui sont pour et ceux qui s’y refusent de peur de braquer définitivement la Russie.