Politique française de la protection du climat

Les limites de l’écologisme sarkozyste

d'Lëtzebuerger Land du 24.12.2009

Le résultat décevant de la conférence de Copenhague est aussi un échec personnel pour Nicolas Sarkozy. Certes, ce n’est pas de sa faute si les chefs des nations réunis dans la capitale danoise n’ont pas voulu d’un accord contraignant et chiffré. C’est au contraire parce que le Président français a fait beaucoup, et par moment peut-être même trop. Il s’est tellement engagé que le manque de résultats lui tombe dessus avec tout le poids de la désillusion des optimistes. Injustement, diront certains. Mais cet échec illustre bien la méthode Sarkozy qui atteint ici très clairement ses limites : On ne bouscule pas les grandes puissances de ce monde comme on peut mettre au pas ses alliés et adversaires politiques en France. La rhétorique « virile » (selon l’intéressé) du chef de l’État français, ses formules choc ne font pas faire changer d’avis la Chine ou l’Inde.

Et pourtant, Nicolas Sarkozy avait lui-même sonné l’alerte et donné l’impression de ne pas trop croire en la magie des mots ou en la force de prophéties sombres. « La conférence de Copenhague ne peut consister à une succession de discours qui ne se confrontent pas », disait-il. Se confronter à qui et dans quel but ? Tout au plus, avant le début des palabres à Copenhague, les protestations de Nicolas Sarkozy avaient contribué à convaincre le Président américain de venir participer personnellement à la réunion finale de ce rendez-vous sur le climat. Initialement, Barack Obama ne voulait assister qu’à l’ouverture et laisser ses collaborateurs se débrouiller après.

Bien sûr, Nicolas Sarkozy pourra toujours, comme le souligne le journal Le Monde, se vanter « d’avoir essayé » et d’avoir montré une détermination sans faille. Il a fait le maximum, et justement, son échec est à la mesure du décalage entre les attentes et ce compromis largement en dessous du minimum espéré par la France. Il n’y aura même pas d’organisation internationale pour l’environnement auprès de l’Onu, comme l’avait souhaité la France, mais juste une déclaration d’intentions. Nicolas Sarkozy signe et se résigne de ce mieux-que-rien, qui selon lui représente de toute façon « le meilleur accord possible », mais qui n’éfface pas la faillite de la diplomatie écologiste du président français. Il voulait se donner plus de poids avec le soutien des alliés. Il est allé à Manaus voir son ami Lula au Brésil, avec lequel il partage beaucoup d’idées et aimerait construire un « partenariat global ». Cette amitié n’a cependant pas pu lui éviter de se retrouver presqu’isolé sur l’île de Trinidad sur une tribune bien clairsemée lors d’un mini-sommet climatique avec les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Le volontarisme écologique prêché par Sarkozy n’y a pas fait recette. En Afrique non plus par la suite. Et les partenaires de l’UE n’étaient pas d’humeur à Copenhague à servir de faire valoir à leur collègue français qui s’activait et s’agitait plus que jamais. À les entendre, il en faisait peut-être vraiment trop avec ses phrases d’un ton autoritaire. Comme si le fait de ne pas partager son point de vue était un crime de lèse-majesté : Dans son discours avant la cloture de la conférence, il demanda à dix-sept reprises : « Qui osera dire...? ». Et bien, les Chinois ont osé, les Indiens aussi, et les Américains également. Ce qui a carrément cloué le bec à Nicolas Sarkozy, qu’on a plus entendu depuis la fin déplorable de Copenhague.

En France, on se demande dans la presse, si cet événement n’aurait pas définitivement marqué les limites de la méthode de l’hyper-président, mais également de la puissance de la France sur la scène internationale. Si lors des réunions récentes du G20, Sarkozy pouvait encore au moins animer les débats avec ses propositions sur la régulation des bonus, la conférence de Copenhague devait être une grande desillusion pour tous ceux qui croyait encore dans l’Héxagone que la France était toujours une grande puissance politique. La République du Centre en tire une conclusion : « La France a, pour partie, prêché dans le désert parce qu’elle n’avait pas les moyens de ses hautes ambitions. Notre hyper-président était de peu de poids devant la superpuissance chinoise. Et puis, trop de ‘théâtre sarkozien’ a peut-être nui à l’expression d’une volonté collective européenne dans le débat. » Sur un même ton, La Charente libre constate : « Faute d’une ‘Europe puissance’, volontariste et unie dans ses objectifs, Paris ne pèse rien à côté des intérêts nationaux américains et chinois. » Quel désenchantement pour cette France pleine de doutes qui actuellement dans un débat organisé par le gouvernement sur l’identité nationale se pose la question : Qu’est-ce qu’être Français ?

De retour en France, le Président Sarkozy doit maintenant inévitablement affronter les écologistes qui, à l’image du très populaire Nicolas Hulot, sont profondément déçus et dépités après Copenhague. Ils vont néanmoins rappeler au chef de l’État ses engagements et promesses sur le plan intérieur. Dés 2010, la taxe carbone doit, en principe, entrer en vigueur. Elle est déjà très impopulaire, et les pressions de certains secteurs économiques (routiers, agriculteurs, pêcheurs), qui demandent des contreparties, se multiplient. Il sera d’autant plus difficile de donner un exemple de vertu climatique en France si le reste du monde hésite apparemment. Sa propre majorité parlementaire commence de plus en plus à critiquer le trop de zèle écologiste du Président. À force de trop de green washing politique, il lui reste de moins en moins des valeurs de la droite qui l’ont porté au pouvoir. Cette grogne inaugure mal la nouvelle année de Sarkozy.

Rudolf Balmer
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