La Cour constitutionnelle vient d’être saisie par la Cour administrative d’une question préjudicielle sur la compatibilité avec la Constitution luxembourgeoise du code du travail, qui réserve le remboursement des cotisations de sécurité sociale suite au recrutement de chômeurs de plus de 45 ans aux seuls résidents, les frontaliers étant actuellement exclus du dispositif.
En mai 2008, un négociant et producteur de vin de Remich signe un contrat à durée indéterminée avec une femme âgée de 52 ans. De nationalité luxembourgeoise et ayant toujours travaillé au grand-duché, la dame est mariée à un Allemand (également frontalier) et habite du mauvais côté de la Moselle, ern Allemagne. En vertu des nouvelles dispositions de la loi du 31 juillet 2006, qui a considérablement amélioré l’aide à l’emploi des seniors (l’employeur perçoit le remboursement des cotisations de sécurité sociale jusqu’à l’âge de la retraite du salarié âgé de plus de 45 ans, au lieu de sept ans avant la réforme de 2006), l’entreprise introduit après quatre mois une demande d’aide auprès de l’Administration de l’emploi. Il faut à peine deux jours à la direction de l’Adem pour envoyer une fin de non-recevoir : la dame ne remplissant pas les deux conditions cumulatives prévues par le code du travail, c’est-à-dire non seulement avoir plus de 45 ans, mais aussi être inscrite depuis un mois au moins à l’Administration de l’emploi luxembourgeoise.
Voyant dans cette décision une différence de traitement non objective entre les chômeurs résidents et les non-résidents, l’employeur a alors saisi le tribunal administratif d’un recours contre le refus de l’Adem de prendre en charge les cotisations sociales (part patronale et part salariale). En première instance, le tribunal déclare en juillet der-nier le recours non justifié et refuse d’interroger la Cour constitution-nelle sur une éventuelle violation de l’égalité des chômeurs selon leur lieu de résidence. « La situation d’un chômeur résidant au Luxembourg, écrivent les juges, et de ce fait habilité à s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès d’un bureau de placement de l’Adem n’est pas comparable à celle d’un chômeur qui, n’étant pas domicilié au Luxembourg, ne peut de ce fait s’inscrire au Luxembourg auprès de l’Adem mais doit au contraire s’inscrire à l’agence de l’emploi du pays de sa résidence. » L’un des argu-ments de la société plaignante avait également été de pointer une autre inégalité du code du travail selon que le salarié de plus de 45 ans obligé de pointer au chômage faisait l’objet d’un licenciement dans le cadre d’un plan de maintien de l’emploi (dans ce cas de figure, il y a inscription automatique à l’Adem luxembourgeoise) et ceux qui n’étaient pas concernés par ces dispositions, notamment les victimes de « simples » plans sociaux, obligés de s’inscrire sur leur lieu de résidence. Pour les premiers le droit à l’aide à l’emploi est accordé tandis qu’il serait refusé aux seconds. Les premiers juges avaient tenu le même raisonnement : la situation des uns et des autres n’était pas non plus « comparable » pour que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi s’applique.
La Cour administrative a fait marche arrière toute dans un arrêt du 2 décembre dernier, expliquant qu’un juge ne pouvait pas se dispenser de poser une question de conformité à la Constitution dans le cadre d’un litige non encore résolu par la Cour constitutionnelle. C’est donc logiquement que les juges d’appel ont fait appel à l’arbitrage de cette dernière pour dire quelle est la justification d’un traitement différent entre un chômeur pointant à l’Adem et un autre inscrit comme demandeur d’emploi auprès d’un organisme équivalent à l’étranger.
Michèle Sinner
Catégories: Emploi et chômage
Édition: 09.12.2010