La projection de Nous Trois, mercredi dernier, 2 décembre, était la dernière d’une série d’avant-premières se déroulant dans le cadre des Journées du film luxembourgeois. Organisée, entre autres, par le Fonds national de soutien à la production audiovisuelle, cette mise à l’honneur s’est conclue vendredi dernier par la cérémonie des Filmpräis (voir page 17). Si c’est Bride flight qui a remporté le prix de la Meilleure coproduction, le film de Renaud Bertrand n’est pas tout à fait parti les mains vides, puisque la décoratrice Christina Schaffer, de nationalité allemande, mais travaillant avec une grande assiduité au Luxembourg, s’est vue remettre le Prix spécial du jury. Outre ce long-métrage, elle avait travaillé sur pas moins de dix films en compétition cette année.
Un prix largement mérité pour ce regard si juste des années 70, celles où évolue le petit Sébastien (Nathan Georgelin), entouré de ses parents, de son grand frère intello (Pierre Bertre) et de son grand père (Sacha Briquet) gentiment amnésique. On ne dit pas Alzheimer, dans la famille, et d’ailleurs, on ne dit pas grand-chose. Le père de Sébastien (Jacques Gamblin) s’absente de plus en plus souvent pour rejoindre son atelier, à la recherche de l’invention géniale qui changerait la vie de la famille. Et à force de fuir les lieux communs, c’est sa femme (Emmanuelle Béart) qui prend la tangente. Elle rêve de plus grand, elle qui est confinée dans sa cuisine constamment dérangée.
Même son fils le sait : sa mère n’est pas cette femme si atone, elle est en fait une reine somptueuse, intouchable, encore plus belle qu’Elizabeth II, alors encore élégante souveraine d’Angleterre. Mais Sébastien n’arrive pas à bien cadrer son père dans l’image, celui-ci manque de carrure. Tout le contraire de son nouveau voisin, Philippe (Stefano Accorsi), le mari de la fantasque Michèle (Audrey Dana). Le jeune couple voit la vie en couleur et n’en finit plus de faire la fête avec le quartier. Mais entre la mère du petit garçon et le bel extraverti, c’est l’attraction immédiate, sous les yeux de Sébastien, à qui on cache à peine les gestes de l’amour et les mots tendres, et qui peut enfin donner un visage au nouveau prince de sa mère. Complice de cette relation, il devient plus tard le témoin du désespoir de la reine déc(h)ue, tout en retrouvant son père, meurtri et grandi à la fois.
Coproduit par Paul Thiltges et David Grumbach, cette délicate histoire est d’abord une agréable promenade dans l’imagination d’un enfant. Et quel enfant ! Le petit Nathan Georgelin cristallise bien, par ses poses interrogatives et ses yeux grands ouverts, cette représentation que l’on se fait de cet âge. Sans rentrer dans le jeu de la béatitude, le réalisateur Renaud Bertrand amène le spectateur à hauteur de ce petit personnage, le faisant guide des informations. Il donne ainsi à son film une légèreté qui contraste avec la situation d’adultère, mais qui ne dédramatisera pas pour autant l’issue tragique du film. Et quand le drame arrive, la lumière se fait plus sobre, l’espace plus palpable, comme une matérialisation du vide – mais également, lors des derniers plans, un renouveau de toutes les relations existantes. Dans sa direction d’acteurs, assez aboutie, Renaud Bertrand fait attention à ses seconds rôles, celui du père et celui de la voisine qui, entre apathie et excentrisme, amènent le contrepoint nécessaire et savent également évoluer avec discrétion.
Si on aurait pu attendre davantage d’implication, un découpage un peu plus original par exemple, le film reste un touchant portrait de famille(s) et propose une vision intéressante de ces banales complexités qui les caractérisent.