Les lancements de nouveaux équipements de réalité virtuelle ou de réalité augmentée se suivent à un rythme tel qu’il n’est plus permis d’en douter : 2016 sera l’année où ils connaîtront un déploiement significatif auprès du grand public. HTC, Facebook, Google, Intel et peut-être même Apple figurent parmi les grands noms qui participent à cette course. Les engins que les consommateurs sont invités à placer sur leur visage restent d’un aspect souvent effrayant, mais leur généralisation semble désormais acquise.
Pourtant, il apparaît que rien n’est encore vraiment fixé quant aux usages qui s’imposeront. Ces appareils sont-ils appelés à se substituer aux écrans de nos appareils actuels pour visualiser des films ou des jeux ? Même s’il s’agit là d’une éventualité et que l’on commence à voir les « early adopters » s’immerger dans leurs univers ludiques habituels dans les métros, il y a certains indices qui suggèrent que la réalité virtuelle ou augmentée (VR/AR) connaîtra son véritable essor en même temps que de nouveaux types de contenus spécifiquement conçus pour tirer parti des possibilités offertes par cette forme de visualisation et dont les contours émergent peu à peu.
Comportant déjà pour la plupart des environnements au sein desquels on peut se déplacer sans contrainte sur 360 degrés, les jeux vidéo se prêtent évidemment particulièrement bien à ces masques. Cependant, le fait que la découverte des contenus dans les champs de vision cachés se fait en bougeant sa tête plutôt qu’en actionnant une souris ou des boutons ou en touchant un écran rend cette fonctionnalité beaucoup plus intuitive. Les contenus natifs, conçus pour la réalité virtuelle, seront bien plus convaincants. Lorsqu’ils s’appuieront sur des décors naturels, par exemple, ceux qui auront été filmés avec des équipements spécialisés couvrant 360 degrés pourront réellement tirer parti du caractère immersif des nouveaux dispositifs et auront de bien meilleures chances d’emporter l’adhésion. Mais pourront-ils pour autant tenir la distance lorsqu’il s’agira d’afficher de manière cohérente des événements influencés à tout moment par les choix de l’utilisateur dans des scénarios complexes ? Pour parvenir à rester plausible sur cet aspect, les applications de démonstration qui accompagnent les nouveaux gadgets ont actuellement pour la plupart des durées courtes : les films mis en avant durent une demi-heure plutôt qu’une heure et demie, les jeux ne proposent que des parcours limités.
Comme toujours lorsqu’une nouvelle technologie commence à être diffusée, les spéculations vont bon train sur les « déplacements » qu’elle causera par rapport à d’autres médias établis. La question semble se poser en particulier pour les cinémas. Alors que l’on associe souvent les casques de réalité virtuelle à une consommation individuelle, ce qui suggère qu’ils pourraient à terme entraîner la mort des cinémas, une expérience originale aux Pays-Bas explore, de manière quelque peu paradoxale, les possibilités d’immersion simultanée et collective qu’ils offrent. Le VR Cinema, qui doit aussi arriver sous peu à Berlin, Londres, Barcelone et Paris, propose des tickets à 12,50 euros la séance d’un peu plus d’une demi-heure pour 400 personnes. Les spectateurs sont invités à s’asseoir dans un fauteuil, à jucher l’équipement sur leurs yeux et à s’immerger, à peu près en même temps que leurs voisins, dans des environnements conçus spécifiquement pour la VR. Il s’agit clairement d’une utilisation exploratoire, qui peut servir à familiariser le public avec une technologie dont on imagine a priori qu’elle sera utilisée plutôt de manière indivuelle que dans des lieux publics comparables aux cinémas. D’autant plus qu’elle permet justement, entre autres possibilités, de simuler une ambiance de salle obscure et les réactions d’un public connecté. Une autre piste concernant une possible évolution des salles de cinéma dans un contexte de réalité augmentée suggère qu’au lieu de s’installer dans un fauteuil dans une salle obscure, le spectateur serait à l’avenir invité à prendre place au sein d’un décor réel spécialement aménagé pour le faire évoluer dans l’environnement, par exemple l’intérieur d’une maison, dans lequel il va se plonger, afin d’enrichir son expérience d’une expérience concrète. L’avènement des VR Cinemas démontre en tout cas, si besoin était, qu’il est trop tôt pour proclamer que la réalité virtuelle va nécessairement tuer les multiplex.