Ticker du 19 janvier 2024

d'Lëtzebuerger Land vom 19.01.2024

Crise immo

« On a 500 ouvriers qui travaillent pour nous. C’est tout un savoir-faire accumulé. Je ne vais renvoyer personne pour m’adapter à la demande », assurait le co-gérant de Stugalux Construction SA, Joël Schons, en octobre 2022 au Land. (Dans ses comptes annuels de 2022, la firme déclare avoir 304 salariés : 251 ouvriers et 53 employés.) Deux mois plus tard, Schons se disait confiant que les grands allaient passer la « tempête » sans trop de dégâts. « Déi Grouss, déi packen dat doten ». Pour continuer à faire tourner la machine, expliquait-il, la firme construirait « en stock », avec la perspective de donner ces futurs logements en location. Mais quelques mois plus tard, une rumeur commençait à circuler dans le milieu immobilier (qui adore les commérages) : Stugalux Construction se porterait mal. Confirmation cette semaine : La firme vient d’entamer les négociations avec le LCGB et l’OGBL pour un plan social concernant 76 salariés, soit un quart de ses effectifs. Les syndicats poussent pour un plan de maintien dans l’emploi, une option à laquelle la direction se dit a priori ouverte.

Stugalux Construction SA affiche une perte de 3,14 millions d’euros dans ses comptes annuels de 2022. La firme spécialisée dans la construction de logements unifamiliaux a été méchamment malmenée par la crise immobilière. (Joël Schons explique au Land que l’entreprise a conclu des contrats à prix fixes avec ses clients, et a donc été frappé de plein fouet par les hausses des prix des matières premières.) Dans les années qui ont précédé, l’entreprise avait pourtant engrangé les bénéfices. En 2015-2016, le résultat annuel tournait autour de quatre millions d’euros, il tombait à un million en 2017-2018, reculait à 564 600 en 2019, pour remonter à 984 000 en 2020 et 868 200 euros en 2021.

Stugalux Construction SA a donc connu une décade dorée, porté par le boom immobilier. Les montants listés dans la rubrique « distribution de dividendes » étaient conséquents : 2,5 millions d’euros en 2018, 750 000 en 2019, 280 000 en 2020. Pour 2021, 1,2 million de dividendes étaient prévus, mais n’auraient finalement pas été distribués, dit Joël Schons : « Cet argent, on a décidé de le garder dans l’entreprise ». (À noter que Stugalux Construction SA et Stugalux SA sont deux entités distinctes, même si elles remontent toutes les deux à Jos Bourg, le roi du lotissement unifamilial, décédé en 2022. Spécialisée dans la promotion, Stugalux SA continue à afficher des bénéfices insolents : 1,9 million en 2022, 5,9 millions en 2021, 1,2 million en 2020, 3,1 millions en 2019.)

Dans une récente publication, le Statec fait état d’une hausse de 36 pour cent du nombre de faillites dans la construction. (En nombre absolu, cela en fait 162.) La valeur ajoutée brute a chuté de douze pour cent dans le secteur. (Les travaux de rénovation résistent, tout comme les grands projets d’infrastructure, provoquant un rush sur les soumissions publiques.) Les ouvriers sont les premiers à pâtir de la crise immobilière. Ils avaient pourtant peu profité du boom. Dans la construction, une heure travaillée (charges patronales incluses) coûte en moyenne 32,40 euros. C’est très peu, comparé aux coûts horaires moyens dans la finance (88,30 euros), la santé (54,70), l’industrie (44) et même le commerce (38,30). bt

Bernard Thomas
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