Le TGV longe les lumières multicolores d’une fête foraine avant de passer près du haut-fourneau puis d’arriver en gare. Non loin de là, un feu s’est déclaré au dernier étage d’un immeuble : on voit les lueurs rouges des flammes au travers des fenêtres tandis qu’un camion de pompiers surgit, sirènes hurlantes. Nous sommes dans le sous-sol de Jean-Claude Backendorf, fanatique de modélisme ferroviaire. Chez lui, à Bonnevoie, il a investi trente mètres carrés pour installer son réseau ferroviaire miniature et conserver les 200 locomotives de sa collection. « Tout est commandé par un poste d’aiguillage TCO allemand, similaire à celui utilisé au Luxembourg », précise Jean-Claude, qui a choisi de se concentrer sur le monde du rail luxembourgeois. « Comme le Grand-Duché est un nœud ferroviaire, on peut y faire figurer du matériel français, belge et allemand, explique cet ingénieur-mécanicien de formation. L’idée est de s’amuser mais aussi d’être dans la recherche permanente de réalisme ».
Pour dénicher des modèles du monde entier, on peut se rendre chez MBS-L, à Strassen. Xavier Willems nous accueille dans le magasin fondé par son père en 1981. On y trouve locos et wagons à différentes échelles avec les rails correspondants, des véhicules, de la décoration (dont un large choix de pelouses), sans oublier toute l’électronique qui s’est invitée dans le monde du chemin de fer miniature il y a quelques années. « Le digital a tout changé : on peut utiliser dix locos sur le même rail et bénéficier de toute une palette de sons », indique le commerçant. L’atelier de MBS-L propose l’entretien et la réparation du matériel, voire la création d’un réseau ferroviaire complet si vous n’avez pas le courage de le construire de vos mains. « Tout est possible ou presque. En termes de coût, ça peut atteindre le prix d’un appartement », glisse Xavier.
Nous nous arrêtons devant la vitrine dédiée au Luxembourg : des voitures de la Gendarmerie grand-ducale et des wagons siglés Arbed côtoient des modèles historiques comme la locomotive à vapeur CFL 5519, affichée à 470 euros. Comptez environ cinquante euros pour un wagon, entre 80 et 800 pour une loco... Mais les prix peuvent monter bien plus haut, notamment pour les modèles en laiton. À ces tarifs-là, peut-on encore parler de jouets ? « On vend des jouets pour les grands... comme Ferrari, sourit Xavier Willems. Nos clients sont souvent des gens qui avaient des trains miniatures lorsqu’ils étaient enfants, et qui, à l’âge adulte, ont les moyens de vivre leur passion à fond. » On nous montre un modèle réduit de la T7, une locomotive à vapeur identique à celle qui roule encore dans le Minettpark Fond-de-Gras à Niederkorn : un modèle exclusif que MBS-L a fait fabriquer. « La demande peut également venir des marques. On peut rassembler toute une documentation pour aider à la fabrication ».
À Bonnevoie aussi, quelques exclusivités sont à découvrir. Jean-Claude Backendorf est le secrétaire du Module club, l’une des plus importantes associations du Luxembourg avec 300 membres. Son président, Robert Eiffes, qui a passé trente ans au sein des Chemins de Fer luxembourgeois, exhibe fièrement leur toute dernière commande : la loco militaire USA TC classe S100, apportée au Luxembourg par les États-Unis en 1945. « On fait fabriquer un modèle par an environ, à destination de nos adhérents uniquement » détaille le président. Le Module Club organise chaque année depuis 1993 le Model Railway Exchange à Steinsel, une bourse attirant soixante exposants et 600 visiteurs ; beaucoup de familles avec enfants, et des passionnés ayant dépassé la quarantaine. « C’est vrai qu’il y a un creux entre quinze et 35 ans » note Robert Eiffes. « Internet est le nouveau lieu de rassemblement de la communauté, où de plus en plus de jeunes créent des chaînes de vidéos dédiées à cet univers » selon Xavier Willems.
Chez Jean-Claude Backendorf, des travaux sont imminents : lui qui a vécu enfant dans un bâtiment de la gare de Clemency aimerait reproduire celle-ci à l’échelle HO, au 1/87e. Également fils de cheminot, il a commencé à vivre sa passion à l’âge de cinq ans. À partir de 2001, il s’est attelé à la construction d’un réseau qui n’a cessé de s’étendre. « Avec l’âge, ça devient difficile de s’y faufiler » rigole-t-il en se penchant pour passer sous les voies. Pour gagner un peu de place, il a même percé l’un des murs de sa cave. Dans cet univers en miniature, tenir un morceau d’Histoire et un peu de son enfance au creux de la main vaut bien toutes les folies.