Après l’annonce du licenciement par SoundCloud, plateforme-phare de partage de fichiers musicaux, de quarante pour cent de ses salariés, une forte inquiétude s’est propagée parmi ses utilisateurs, qui craignent sa faillite, une interruption de service et une disparition pure et simple des riches archives sonores qu’elle héberge. L’un d’eux a indiqué sur Reddit avoir personnellement créé une copie de sauvegarde de l’ensemble du catalogue et du site de SoundCloud. La plateforme-chouchou des musiciens et mélomanes risque-t-elle de disparaître ? Son CEO, Alexander Ljung, assure que non et que la plateforme a son financement assuré jusqu’au quatrième trimestre. Mais le redditor « makemakemakemake » a préféré prendre les devants, se vantant, l’air de rien, que « ce ne sont que 900TB – j’ai tout téléchargé en un week-end, à 80 Gb/s ». Ce qui suggère qu’il dispose d’une connectivité plus que correcte… Comme des pairs du redditor demandaient à voir, il a publié un logfile de 100GB censé témoigner du téléchargement. Un groupe de préservation de fichiers, Archive Team, animé par le même souci de préserver le catalogue SoundCloud, « en danger » selon lui, a indiqué vouloir créer une archive de sauvegarde, copiant les fichiers son, mais aussi les illustrations et commentaires du site, à l’aide de son logiciel communautaire.
De telles copies de sauvegarde visant à copier l’intégralité du catalogue sont-elles légales ? D’après les indications d’Archive Team, leur agent de téléchargement se heurte aux efforts déployés par Soundcloud pour limiter son activité. Sur pratiquement toute base de données publique, l’opérateur se prémunit ainsi contre les tentatives de robotiser le téléchargement de l’ensemble de ses données, les considérant comme des violations du droit d’auteur : il est logique que malgré le risque de faillite et de fermeture, SoundCloud cherche à empêcher ce qui à ses yeux relève d’un vol à grande échelle.
La plateforme a été créée à Berlin en août 2008 par deux Suédois, l’ingénieur du son Alexander Ljung et l’artiste Eric Wahlforss. Depuis, elle a connu le sort parfois compliqué des startups qui réussissent à trouver leur public mais pas à générer un flux de revenu suffisant. Valorisée à 700 millions de dollars en 2014, la plateforme a souffert des échecs de ses tentatives de trouver des accords avec les organisations d’ayant-droits, sachant qu’outre les titres publiés par les artistes eux-mêmes, on y trouve aussi beaucoup de contenus protégés, remixés etc.
SoundCloud faisait état l’an dernier de quelque 175 millions d’utilisateurs mensuels et d’un catalogue de 135 millions de titres (iTunes et Spotify en ont chacun entre 35 et quarante). Ces dernières années, Twitter et Spotify se sont intéressés tour à tour à reprendre la plateforme mais y ont renoncé, ce qui suggère fortement que le modèle de « monétisation » de SoundCloud ne les a pas convaincus (SoundCloud Go, l’offre premium à 9,99 dollars par mois, donne accès à l’ensemble du catalogue sans publicité.) Signe que l’entreprise a commencé à mordre sérieusement sur les fonds levés au fil de son développement, elle a annoncé il y a quelques jours sur son site vouloir fermer ses bureaux de San Francisco et Londres pour se concentrer sur ceux de Berlin et New York, renvoyant 173 de ses 420 employés pour réduire ses coûts et améliorer sa situation.
L’attachement des utilisateurs pour SoundCloud, dont témoignent leurs tentatives de créer des sauvegardes complètes du site, s’explique sans doute par l’expérience de fraîcheur, de découverte et d’accès direct qui s’en dégage. Mieux que sur iTunes ou sur Spotify, les mélomanes apprécient de trouver sur SoundCloud des morceaux que des artistes ont choisi de publier eux-mêmes, notamment de type expérimental, plutôt que des albums passés à la moulinette des producteurs. De même, beaucoup de musiciens adorent la possibilité de s’y adresser directement aux publics intéressés par leurs créations. Il serait vraiment dommage que SoundCloud périsse sur l’autel de la monétisation.